Sun Ra – ‘Singles’

Sun Ra – ‘Singles’

Coffret / Strut / 09.12.2016
Jazz

65. C’est le nombre de singles réunis ici dans ce coffret triple CD. 65 singles étalés sur une période de 39 ans (de 1952 à 1991), vous avez bien calculé, ça fait près de deux singles par an et il en manque certains que l’on pouvait trouver sur le précédent coffret ‘The Singles’ paru en 1996 chez Evidence. Un ratio étourdissant pour n’importe quel musicien normalement constitué, mais tout à fait normal pour le divin Sun Ra, dont la discographie est sans doute l’une des plus fournies du XXe siècle. Et il n’est question ici que des 45 tours, on dépasse donc rarement les quatre minutes et les longues pièces sont donc naturellement laissées de côté. Mais il y a déjà matière à se régaler tant l’oeuvre du musicien venu de Saturne est dense et éclectique.

Les premières expérimentations avec les Nu Sounds au début des années 50 sont ainsi enregistrées au milieu de choses bien plus traditionnelles, Sun Ra alternant sans sourciller entre doo wop (avec l’ensemble vocal The Cosmic Rays par exemple), big band jazz ou be-bop classique accompagné de la première version du désormais fameux Arkestra. Nombre de ces singles n’ont été retrouvés que des années plus tard dans ce qui ressemble à de véritables fouilles archéologiques dans l’immense catalogue enregistré du pianiste. Si dans un premier temps la dimension cosmique chère à Sun Ra est surtout présente dans les titres des compositions (‘Spaceship Lullaby’, ‘Super-Sonic Jazz’ ou ‘Adventur In Space’), le troisième disque couvre la période 1967-1991 et donc naturellement des œuvres plus aventureuses à travers lesquelles le pianiste laisse libre cours à sa fantasque inspiration et à l’utilisation d’instruments plus électriques comme le Minimoog (‘The Perfect Man’) ou le Rocksichord (‘Love In Outer Space’). Les structures des morceaux gagnent alors en liberté, les dissonances sont parfois de mise (‘Disco 2021’) et l’on est de temps à autre confronté à un univers sonore complexe et oppressant (‘Cosmo Extensions’).

A travers ce tour d’horizon, on se rend compte à quel point Sun Ra a su jouer avec les codes du jazz sous toutes ses formes, marquant de son empreinte chacun de ces enregistrements en y incorporant des éléments latin jazz comme le mambo, free et poétiques via quelques saillies de ‘spoken word’ étranges et fascinantes. On reste ainsi sidéré à l’écoute de l’ultime ‘I Am An Instrument’ enregistré seul, en 1991, deux ans avant sa mort, avec un piano pour enfant et une harpe désaccordée. Un morceau à l’image de son interprète, un peu siphonné et totalement passionnant.


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