Scorn – “Stealth”

Scorn – “Stealth”

Stealth[Album]
29/10/2007
(Jarring Effects/Discograph)

Mick Harris est, avec quelques autres énergumènes de son espèce (John Zorn, Bill Laswell, Justin K. Broadrick, Alec Empire…), considéré comme un électron libre des musiques extrêmes et expérimentales de la fin du XXième siècle. Refusant de s’enfermer dans un genre particulier, l’Anglais abandonnera au tournant des années 90’s les blasts du death metal de Napalm Death, dont il aura maltraité les fûts les premières années, pour explorer la face la plus obscure des musiques électroniques (illbient, drum’n’bass, indus, ambient…) sous le nom de Scorn ou Lull

Si Mick Harris s’amusait à passer d’un style à l’autre au gré des albums, on pouvait quand même compter sur une marque de fabrique commune à toutes ses productions: sa musique était paranoïaque, torturée et balayée par des infrabasses meurtrières. Cette vision de la bass music, somme toute plus européenne que jamaïquaine, a su influencer un paquet de formations en tout genre. Chez nous, on imagine difficilement l’éclosion de groupes comme Hint, Idem, Löbe Radiant Sound System, Lab° ou Uzul Prod, pour n’en citer qu’une poignée, sans les premiers albums de Scorn. De l’autre côté de la Manche, on retrouve aujourd’hui ces mêmes préoccupations, triturées de manières différentes toutefois, dans le récent mouvement dubstep

À l’instar de son homologue Kevin Martin (Techno Animal, The Bug, ICE…), Mick Harris semble d’ailleurs s’être intéressé de très près à cette progéniture illégitime, comme on peut l’entendre sur ce nouveau “Stealth”. Sorti collégialement par trois labels (dont Jarring Effects pour la France et la Suisse), ce treizième album rompt ainsi cinq ans de silence, pendant lesquels Harris a pu se nourrir largement des productions dubstep qui ont envahi les nuits souterraines de la Perfide Albion: le beat est imperturbablement lent, les basses pachydermiques, et l’atmosphère étouffante. Les preuves d’une consanguinité sont indiscutables..

“Stealth” se décompose en huit titres presque arithmétiquement formatés (ils durent tous six minutes à quelques secondes près) qu’on déconseillera aussi bien aux dépressifs chroniques qu’aux bisounours insouciants. Car, on ne va pas vous cacher la vérité, il faut quand même sérieusement s’accrocher pour traverser un album de Scorn sans finir par se noyer dans ces eaux putrides qui vous aspirent par le fond. Harris n’a jamais eu peur de la fange. Il s’y enfonce même jusqu’au cou, continuant néanmoins d’avancer, pas après pas, vers cette étincelle qui brille à l’horizon, prometteuse de meilleurs lendemains. La traversée se fait donc au mental, en serrant les fesses devant ces rythmiques colossales qui vous claquent la gueule à chaque pulsation (“Glugged”, “Snag”, “The Palomar”, “Enough To Hold Bottom”…)

Le morceau d’introduction, “Stripped Back Hinge”, résume presque à lui tout seul le reste du disque: un beat relativement simple, mais borné, des basses rampantes, des samples métallurgiques, et la désagréable sensation d’être dans la chaudronnerie qui forge les fers avec lesquels vous allez être torturés. Si vous avez besoin d’une idée à la seconde pour vous éclater, passez votre chemin. Scorn, c’est plutôt la transe de la répétition, l’éloge de l’inéluctable, la noirceur de la fatalité. Ce qui sous-entend que, après être miraculeusement sortis indemnes de ces 48mn, une irrépressible et paradoxale envie de retenter le diable vous prendra à la gorge et vous replacera au début du tunnel

En revenant sur les lieux de son crime (et un genre qu’il a fortement contribué à créer), Mick Harris retrouve ainsi un niveau qu’on n’espérait plus de lui. C’est bizarre à dire pour le bien de l’humanité, mais c’est pourtant une sacrée bonne nouvelle

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