Protomartyr – ‘Relatives in Descent’

Protomartyr – ‘Relatives in Descent’

Album / Domino / 29.09.2017
Post punk


Manchester 1980, Detroit 2017, rien n’a changé. La même violente réalité économique, le même mépris écrasant des pouvoirs publics. Alors, bien que souvent comparé à The Fall, le post-punk de Protomartyr est toujours furieusement d’actualité. Les américains sortent ‘Relatives in Descent’ chez Domino, leur quatrième album enregistré en deux semaines ce printemps avec Sonny DiPerri (Animal Collective, Dirty Projectors).

Les couplets de ‘A Private Understanding’ déroulent tel un monologue, une poésie désenchantée, la phrase ‘I don’t want to hear those vile trompets anymore‘ revient avec insistance, puis il est fait référence à l’anecdote véridique de Elvis quittant Flagstaff,  profondément bouleversé en voyant à travers un nuage le visage de Staline se changer en celui du Christ. La vérité et la réalité, ces deux piliers érodés de nos sociétés, sont les thèmes principaux du disque selon Joe Casey. Elle est peut être là la différence entre 1980 et 2017 : la frontière entre le vrai et le faux n’a jamais été si mouvante, le cynisme dégueulasse désormais enveloppé dans du papier cadeau. ‘My Children’ en sait quelque chose, souffle sur les braises du savoir, ‘Pass On, Pass On‘, incantations à l’élévation détruites par la réalité implacable. La personnalité de Joe Casey fait de Protomartyr un groupe particulier, des titres aux textes riches, une voix fatiguée qui ne tombera jamais. Il y a là la sérénité flamboyante du mec qui ne versera pas une goutte de son whisky dans les fracas de l’Apocalypse. Et pourtant, on sent ici la puissance des certitudes se fissurer, les nuages noirs influer sur le moral des troupes. ‘Windsor’ Hum’ dit ‘Everything’s fine’ mais on ne le croit pas une seconde, le lourd refrain en choeur de ‘Male Plague’ n’a plus rien de Post, ‘Up the Tower’ est violemment écrasé par une presse industrielle, martelé jusqu’à ce que la dernière trace de tissus vivants disparaisse. On est loin du spirituel ‘Odyshape’ des Raincoats, que le guitariste Greg Ahee a cité comme influence du disque. Heureusement le très beau et poignant ‘Half Sister’ vient clôturer ‘Relatives in Descent’ sur des notes humaines.

Jusqu’ici, les albums de Protomartyr n’avaient rien d’une franche rigolade, mais il y avait un caractère, un charisme qui donnait l’énergie nécessaire pour faire face, la force de se placer au dessus de ce merdier. Aujourd’hui, le groupe a pris la déferlante Trump en pleine face, encore plus que la personnalité de l’homme d’affaire, et c’est la gigantesque manipulation des masses qui a mené à son élection qui semble l’avoir profondément marqué, au point de livrer son album le plus sombre à ce jour.

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A ECOUTER EN PRIORITE
‘A Private Understanding’, ‘My Children’, ‘Half Sister’


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