PJ Harvey – ‘The Hope Six Demolition Project’

PJ Harvey – ‘The Hope Six Demolition Project’

Album / Island / 14.04.2016
Folk rock pop

Très sincèrement, que pouvions nous attendre de PJ Harvey en 2016 ? ‘Beaucoup‘ répondront certains, ‘pas grand-chose‘ diront d’autres. Le constat est que, à 46 ans, Polly Jean Harvey possède une discographie et un CV plus qu’exemplaire : plus de vingt ans de carrière, deux Mercury Prize dont l’un remporté grâce à son précédent album ‘Let England Shake’, et officiellement membre de l’Ordre de l’Empire Britannique depuis 2013 pour services rendus à la musique. Arrivée à ce stade, l’Anglaise se devait donc de trouver un nouveau leitmotiv pour y puiser toute l’inspiration nécessaire à un disque qui ne soit pas qu’une pièce supplémentaire à son oeuvre.

Si, avec ‘Let England Shake’, Polly Jean évoquait les grandes guerres qu’a connues la Grande-Bretagne, ‘The Hope Six Demolition Project’ fait quant à lui référence au monde d’aujourd’hui, à ses travers politiques, économiques et sociaux. Et pour maîtriser au mieux son sujet, la Dame a préféré partir directement à la rencontre des populations plutôt que de se fier à des informations de seconde main. Un voyage à partir duquel, à la manière d’un reporter, elle nous livre ses sentiments sur un ghetto meurtri et délaissé de Washington DC (‘The Community Of Hope’), son ressenti sur la question des migrants en Europe (‘A Line In The Sand’), ainsi que ses souvenirs et anecdotes recueillies dans les zones les plus reculées du Kosovo ou encore de l’Afghanistan (‘Chain Of Keys’). Chaque récit restant relativement abstrait et ouvert à toute interprétation.

Côté production, PJ Harvey s’est une fois de plus fait accompagner par ses deux acolytes de toujours, Flood et John Parish, responsables à eux deux de la plupart de ses derniers disques. Enregistré au Somerset House de Londres, lors de sessions parfois ouvertes au public, ‘The Hope Six Demolition Project’ utilise – comme son prédécesseur – bon nombre d’instruments anciens, sans forcément tomber dans un aspect trop folklorique. Ici, les riffs de rock rugueux de ‘The Ministry Of Defence’ se frottent aux influences plus bluesy de ‘The Ministry Of Social Affairs’ (titre comportant un malicieux sample de Muddy Waters), et le tout sonne terriblement martial et sombre.

Pourtant, hormis sur ‘Dollar Dollar’, sublime titre de clôture, les chœurs et les cuivres dissonants (tous deux omniprésents) apportent souvent bien plus de confusion que d’ordre dans une orchestration globale peut-être déjà trop riche. Sans aller jusqu’à qualifier ‘The Hope Six Demolition Project’ d’album concept, et bien que ce soit son disque le plus politiquement engagé, ce nouvel opus manque cruellement d’efficacité et d’inspiration mélodique. La production musicale, volontairement directe et probablement réalisée dans l’urgence pour conserver au maximum son aspect instinctif, laisse malheureusement transparaître bien plus de défauts que de qualités à l’écoute. En se concentrant sur son nouvel engagement, PJ Harvey s’est peut-être un peu trop éloignée de la base même de son œuvre en proposant ici quelque chose de beaucoup plus convaincant sur le fond que sur la forme.

‘The Community Of Hope’, ‘The Wheel’, ‘The Orange Monkey’, ‘The Ministry Of Defence’, ‘Dollar Dollar’


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5 Commentaires
  • denoyelle didier
    Posté à 19:50h, 20 avril Répondre

    C’est à mon avis une autre maniére pour dire que cet album est juste une daube avec sa philosophie de comptoir à deux balles…:-(

  • BnX
    Posté à 11:41h, 22 avril Répondre

    Pour l’avoir écouté pas plus tard qu’hier, et en tant que fan de la dame depuis quelque temps, je trouve que ce disque se rapproche du précédent, surtout au niveau de l’ambiance, mais avec ce je ne sais quoi de moins “abouti”.
    Effectivement, les mélodies sont moins prenantes, l’ensemble para^t plus brouillon.
    Cet album se rapproche presque des disques plus “expérimentaux” enregistrés avec Parish, mais c’est vrai, le titre final est excellent, et le signe aussi.

  • Philochard
    Posté à 13:11h, 25 avril Répondre

    Soyons clair, cette chronique est indigne de Mowno : ou comment passer à côté d’un très grand album introspectif et interrogatif – déjà oublié des “indispensables” tssss….
    la musique est en adéquation parfaite avec les textes: c’est beau, c’est brut, ça nous regarde et ça nous interroge..; le sax plane majestueusement sur cet album comme un beau rapace sur l’humanité; c’est le contrepoint parfait au chant aérien de PJ. ( listen to “River Anacostia”;…à part Bowie, personne n’a fait plus artistiquement interpellant cette année…
    et ce n’est pas le plus grand fan de PJ. qui vous écrit…
    Malheur à ceux qui restent au sol….#;>)
    Amicalement
    Philochard

    • Baijoux
      Posté à 21:05h, 26 avril Répondre

      Merci philochard
      Bien d’accord avec toi, cet album est très bon
      Je le range juste à côté de To bring you m’y love ,son meilleur !
      Content de la retrouver, enfin.

  • Maxime
    Posté à 03:20h, 08 août Répondre

    Alors, après plusieurs écoutes assidues, j’ai le sentiment que nous tenons là… l’album de l’année 2016 ! Quelle claque ! Quel enchaînement d’hymnes universels qui force le respect ! PJ est un leader, capable avec sa guitare, son saxo et son timbre fragile de soulever des foules et de fédérer autour d’elle avec un charisme tout naturel. The hope six demolition project transpire le blues, mais aussi le rock (The ministry of defence), le gospel (The community of hope) et la complainte qui nous plonge dans les champs de coton du 21e siècle (Chain of keys, River Anacostia). L’omniprésence des saxophones parfois paresseux (Dollar, dollar), parfois fiévreux (The ministry of social affairs), des chœurs et des rythmes plus hypnotiques les uns que les autres contribue pleinement à la couleur blues du disque. Le field recording de Dollar, dollar permet aux klaxons et autres bruits urbains de fusionner avec la musique dans un nuage de poussière et de pollution qui nous est jeté au visage. La voix est frêle, parfois un peu juste (A line in the sand) mais rend le propos de PJ Harvey encore plus touchant. Voilà un disque empli de sincérité, de maturité et d’humanité dans lequel la Britannique rend hommage aux citoyens lambda, travailleurs pauvres et autres victimes collatérales d’un monde globalisé. Le temps d’un album somptueux, elle fait converger les énergies positives et porte un message d’espoir pour qui voudra retrousser ses manches pour un avenir meilleur.

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