Noname – ‘Room 25’

Mixtape / Autoproduction / 14.09.2018
Hip hop

Arrivée dans le grand monde du rap à la lumière d’une première mixtape intitulée Telefone, ou se dessinait son visage rond devant un violet pastel, Noname est une figure discrète, une présence modeste qui délivre son phrasé précis avec retenue. Elle file, mais semble ne vouloir fixer que le bout de ses chaussures. Chacun de ses textes s’évapore en images obscures, en anecdotes intimes et en considérations existentielles.

Pour son deuxième album, elle nous conte une autre vie. Celle de son départ depuis Chicago jusqu’à Los Angeles, de ses difficultés financières (elle confie en interview avoir aussi enregistré cet album pour pouvoir payer son loyer) ainsi que de la perte tardive de sa virginité. Armé d’un sens du détail qui scrute le dérisoire et le générique, Noname passe en une rime d’une routine du dimanche matin à des considérations sur l’Amérique (‘America the great, this grateful dead and life for me/Apple pie on Sunday morning, obesity and heart disease’ chante t-elle en refrain de Prayer Song). Derrière, le rythme refuse de faiblir, pour ne pas céder aux flots successifs de ces mesures bienveillantes. Un peu plus loin, c’est une petite fresque tout en cordes qui épaule le résumé poétique, et les aléas d’une relation ou l’éveil à la sexualité et des sentiments contradictoires s’entrechoquent dans les creux d’un débit facile, tout en détours et ralentissements. Toujours entourée des mêmes collaborateurs qui ont contribué à construire son style, Noname s’appuie sur des figures qui connaissent parfaitement ce qui lui correspond.

Perdues entre rythmiques jazz et motifs funk, les productions ne perdent jamais le fil des idées qui se bousculent dans la tête de la chanteuse. Une influence en chasse une autre, avec la finesse qui convient à la situation évoquée. Il faut alors rendre un nouvel hommage, à chaque écoute, devant ce projet délicat, où Noname défend avec toujours plus de profondeur et de mordant le versant poétique où elle s’est installée.