Minor Victories – ‘Minor Victories’

Minor Victories – ‘Minor Victories’

Album / Pias / 03.06.2016
Pop shoegaze

Aligner des individualités remarquables au sein d’une même équipe suffit-il à produire du beau jeu ? Si la question fâche avec régularité les commentateurs sportifs, elle n’évoque pas grand-chose pour l’amateur de musiques dites ‘actuelles’. Pourtant, les exemples de super-groupes ne manquent pas : de Crosby, Stills Nash and Young à Iggy Pop et Josh Homme, en passant par Atoms For Peace ou Nick Cave and The Bad Seeds, tous se sont formés suite aux succès distincts de leurs membres. Et si l’histoire ne retient que les coups d’éclat, rappelons-nous que le résultat se montre rarement proportionnel aux attentes suscitées (qui se souvient de Freebass, le projet des bassistes Peter Hook, Mani et Andy Rourke né et mort en 2010 ?).

Aussi, lorsque nous avons appris en juillet dernier la formation de Minor Victories – composé de Stuart Braithwaite (Mogwai), Rachel Goswell (Slowdive), Justin Lockey (Editors) et de son frère James Lockey (vidéaste au sein de Hand Held Cine Club) – la prudence a pris le pas sur l’excitation. Au regard de leurs parcours exigeants (excepté Editors hein, faut pas pousser), on redoutait d’avoir affaire à un disque anecdotique de la part de personnes qui, d’ordinaire, nous déçoivent rarement. Surtout lorsqu’on se souvient que le groupe avait annoncé produire un ‘extreme noise EP’ bien vite oublié : ses deux premiers singles se révélaient en fait plus proches des distorsions pop de The Jesus And Mary Chain que de la radicalité de Throbbing Gristle. Mais qu’importe, on n’allait pas commencer à maugréer sur des spéculations.

Passées les quinze premières minutes de ‘Minor Victories’, on est pourtant dépité, comme si l’accident s’avérait prévisible. Le morceau ‘A Hundred Hope’ cristallise à lui seul tous les problèmes. Sa séquence de clavier acide et ses cordes criantes ne parviennent pas à faire décoller un ensemble finalement trop linéaire et convenu. C’est propre, ‘cinématographique’ remarqueront certains avec justesse. Un clip con à souhait a d’ailleurs servi à illustrer tout cela. On y observe des samouraïs débouler en slow-motion au milieu d’une prairie, dans un noir et blanc esthétisant. Ça nous rappelle Woodkid et ses concepts vidéos-musicaux totalement bidons et prétentieux. Imaginez la crise d’urticaire.

Heureusement, la barre se redresse avec ‘Scattered Ashed (Song For Richard)’, sa belle ligne mélodique et ses multiples cordes utilisées cette fois-ci à bon escient. La suite – on respire peu à peu – n’est qu’une ascension vers les cimes d’un shoegaze classieux aux arrangements multiples, avec comme point notable l’apparition de Mark Kozelek pour un duo avec Rachel Goswell sur le dépouillé ‘For You Always’. Et si ‘Out To Sea’ ressemble à une reprise partiellement ratée d’un titre de Sigur Ros, ‘The Thief’ et ‘Higher Hopes’ portent avec majesté et ambition la fin de cet album dans un mur de bruit blanc transpercé par la voix cristalline de l’ex-membre de Slowdive.

Pas assez consistant dans l’ensemble mais loin de la catastrophe qu’il nous a fait craindre rapidement, Minor Victories emballe autant qu’il peut agacer par sa suffisance ponctuelle. Preuve s’il en est qu’une réussite collective n’obéit pas seulement à l’addition de ses talents, même avec plan marketing ultra-rodé.

‘Scattered Ashed (Song For Richard)’, ‘For You Always’, ‘The Thief’, ‘Higher Hopes’


Pas de commentaire

Poster un commentaire