Kanye West – “My Beautiful Dark Twisted Fantasy”

Kanye West – “My Beautiful Dark Twisted Fantasy”

kanye180Album
(GOOD / Roc A Fella)
22/11/2010
Débat hip hop

“My Beautiful Dark Twisted Fantasy”, nouvel album de Kanye West, fait parler de lui depuis tellement longtemps que son arrivée officielle en serait presque aujourd’hui anecdotique. On savait le producteur à la page niveau marketing, mais là, l’overdose est arrivée avant même la sortie dans les bacs. Pourtant, tout n’était pas à jeter dans le mode de communication choisi, son clip de 34 minutes posté sur internet faisant plus envie que pitié. Mais titres et remixes de l’opus distillés en amont, et à tout va, auront sérieusement entamé l’intérêt. Trop de promo tue la promo.

Face à ce brouillage de pistes, on ne savait donc finalement plus trop à quoi s’attendre. A titre d’exemple, l’introductif “Dark Fantasy”, et sa rengaine sombre à la Wu Tang Clan, nous réjouit de prime abord avant que le producteur ne lui fasse prendre une orientation radicalement différente, d’un lyrisme indigeste. Il en sera ainsi tout du long, Kanye soufflant en permanence le chaud et le froid. Les honorables mais quelconques “Gorgeous (feat Raekwon et Kid Cudi)” ou “Power” et ses choeurs enfantins ne resteront pas gravés dans notre mémoire, tandis qu’on oubliera au plus vite les “All The Lights”, “See Me Now”, l’insipide “Don’t Stop” ou le sirupeux “Blame Game (feat John Legend)”. On évitera également de s’attarder sur le saoûlant “Runaway” qui prend la tête comme ces tubes des années 80 qu’on chantonne sans s’en rendre compte. Si on s’arrêtait à ces seuls morceaux, nous pourrions effectivement dire que Kanye West a définitivement tourné le dos au hip hop, et que sa place est davantage au premier rang des défilés haute couture…

Mais l’abandon de l’auto-tune était un premier signal d’une remise en question plus profonde qu’il n’y paraît, illustrée par la noirceur et l’efficacité de “Monster”, dans lequel on rentre au fil des secondes pour finalement se surprendre à un hochement de tête frénétique. On arrivera au même constat avec “So Appalled”, la présence de Jay-Z sur ces morceaux, et de RZA sur ce dernier étant en elle-même un signal fort d’une volonté de renouer avec un rap plus classique. “Devil In A New Dress” enfonce le clou avec son subtil craquement de vinyl, et permet au producteur de Chicago de montrer qu’il maîtrise toujours parfaitement l’art du sampling. On en regrette d’autant plus son éparpillement et son manque de cohérence artistique, préférant toujours la rugosité d’un “Hell Of A Life” au formatage clubbing de titres comme “Lost In The World”.

Avec ce cinquième album, Kanye West donne autant d’arguments à ses détracteurs qu’à ses défenseurs. Car si on retrouve épisodiquement des inspirations qui avaient fait de “The College Dropout”, “Late Registration” ou du “Be” de Common des incontournables, celles-ci sont ici trop furtives pour pouvoir oser la comparaison. Son orientation clairement mainstream, bien que parfois originale et novatrice, ne manquera pas de décevoir une fois de plus ceux qui avaient fait de lui un des futurs piliers du hip hop. Le seul point qui devrait faire l’unanimité étant son piètre talent de rappeur/chanteur. En effet, si on peut discuter ses qualités de producteur, personne n’osera le comparer aux lyricistes et MCs hors-pairs que sont KRS-One, Rakim, Nas ou Jay-Z, pour ne citer qu’eux.

Reste que “My Beautiful Dark Twisted Fantasy” met en lumière cette dualité qui semble habiter Kanye West et que Spike Jonze avait parfaitement mis en image dans son court métrage “We Were Once A Fairytale”. Parfois victime de son égo mais en même temps capable d’une lucidité acide, cette lutte intestine prend ici tout son sens dans son impossibilité à choisir une posture claire. Alors roi du marketing, produit de marque fashion, usurpateur, génie en avance sur son temps? Autant de questions qui nourriront toujours les débats enflammés qu’il déclenche. C’est peut-être, d’ailleurs, ce qu’il y a de plus intéressant chez lui. Malheureusement…

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itunes27


10 Commentaires
  • kl3m
    Posté à 15:03h, 26 novembre Répondre

    Mouai, un peu conservatrice et réac comme chronique…d’ accord sur la dualité du bonhomme, c’ est ce qui participe au fait qu’ il soit nettement plus en mouvement que certains. Kanye West serait il devenu une rock star, aussi pathétique que géniale? en tout cas ça emmerde tout le monde et ça fait jaquetter, a en voire la longueur de la chronique…ça promo est définitivement relayée. Oublions “be” de Common, “The College Dropout” et le reste… a quoi bon refaire les mêmes.

  • Cédric
    Posté à 12:49h, 02 décembre Répondre

    Qu’il renoue avec un certain classicisme hip-hop par moments fait plaisir, mais s’il s’y cantonnait cela n’aurait pas un grand intérêt. Pour moi, Runaway est symbolique de son talent et de ses paradoxes, ampoulé mais génial, un morceau magnifique. Par contre, je ne sais dans quel club tu vas aller danser sur “Lost In The World”, mais je veux bien que tu me l’indiques. Je te conseillerais de découvrir la musique de Bon Iver, parce que parler de “formatage clubbing” ici, j’ai beau chercher, je ne vois pas le rapport. Et le fait de condamner son évolution mainstream, sa volonté de mélanger basiques hip-hop et efficacité pop, est clairement réac. D’ailleurs comment pourrait-il décevoir “ceux qui avaient fait de lui un des futurs piliers du hip hop”, puisqu’il EST le futur du hip-hop..?

  • radio raheem
    Posté à 19:47h, 08 décembre Répondre

    Et ouaip mais sur mowno on prefere dire que katerine est un génie…c’est clair qu un mec qui chante(?) qu il veut bouffer une banane marquera bien plus l histoire de la musique!….tous les gouts sont dans la nature!

    • matthieu
      Posté à 20:39h, 08 décembre Répondre

      Chez Mowno on se donne le droit de tout dire, et surtout ce qu’on pense, tout comme chaque personne qui laisse un commentaire. Après, aux lecteurs de ne pas faire d’amalgame: ce n’est pas la même personne qui a écrit les chroniques de Katerine et Kanye West et, s’il faut encore le rappeler, chaque article n’engage que son auteur. Après, toute contradiction et débat est le bienvenu(e). C’est toujours plus intéressant de donner son avis que de faire, comme beaucoup, une notation de 0 à 5 et d’écrire deux lignes descriptives pour chaque album…

      • radio raheem
        Posté à 23:10h, 08 décembre Répondre

        Tout à fait d’accord…mais aucune chronique n’est signée de son auteur je crois…difficile alors de ne pas faire d’amalgame,car sans ta precision comment etre sur que ce n’est pas la meme personne qui a fait les deux articles?enfin bon cela était dit sans haine aucune,c’etait plutot sur le ton de l’humour.

        • matthieu
          Posté à 23:26h, 08 décembre Répondre

          Pas de souci… Par contre, tous les articles sont signés, cf le “publié par” en petit à chaque fin de post.

  • nico
    Posté à 16:05h, 24 février Répondre

    MBDTF est le meilleur album de l’année… Celui qui a rédiger cette \ article\ c’est un vieux rageux de Kanye

  • Gérard B
    Posté à 20:59h, 11 décembre Répondre

    Que vous donniez votre avis, d’accord, chacun a le droit de donner son point de vue. Que vous n’avez pas aimé cet album, pauvre de vous, mais pourquoi pas : après tout, vous ne serez pas le seul dans ce cas-là. Mais on ne peut pas se prétendre critique musical et dire autant d’âneries.

    ” Trop de promo tue la promo”, ” [La promo aura] sérieusement entamé l’intérêt”
    Depuis quand la présence médiatique d’un artiste a t-elle quelque chose à voir avec la qualité de son album ? Certes, elle vous indispose, mais votre article est supposé juger de la qualité de l’album – la promo de monsieur West ne devrait pas être un facteur déclencheur d’une mauvaise critique. Du temps de la Beatlemania, la sortie de chaque album des Beatles était précédée par un raz-de-marée médiatique, et cela n’a empêché personne de s’en délecter… à moins que vous ne les détestez eux aussi ?

    ” Dark fantasy est d’un lyrsime indigeste ”
    Je ne vois pas ce que vous trouvez d’indigeste là-dedans. Pour ma part, je trouve les paroles très réfléchies et drôles. C’est vrai qu’il y a beaucoup de jeu de mots et d’allusions qui demandent un petit effort intellectuel pour être compris. Mais, lorsqu’on prétend être critique musical, ne doit-on pas avoir un minimum de culture ? A moins, bien sûr, que des paroles stupides et vides de sens, ne satisfasse davantage vos goûts musicaux ?

    ” Les honorables mais quelconques “Gorgeous (feat Raekwon et Kid Cudi)” ou “Power” et ses choeurs enfantins ne resteront pas gravés dans notre mémoire ”
    Pour ma part, et cela restera gravé dans ma mémoire, je n’avais jamais remarqué que les chants africains traditionnels sonnaient comme des ” choeurs enfantins “…! Ou alors, vous avez des enfants très précoces ! En tout cas, les musiciens de Continent n°6 apprécieront la charmante comparaison.

    ” Le saoûlant “Runaway ” qui prend la tête comme ces tubes des années 80 qu’on chantonne sans s’en rendre compte ” C’est vrai qu’un solo d’autotune sonne très années 80…! Sans parler du rythme très ” éclaté ” et novateur de la batterie, pur plagiat de celui très linéaire, et typiquement 80’s, de ” Final Countdown ” d’Europe ! Ou, peut-être, êtes-vous en train de parler d’une décennie que vous ne connaissez pas ?

    ” formatage clubbing de titres comme “Lost In The World”. ” Après avoir démontré votre connaissance *parfaite* de la musique des années 80, vous vous attaquez au ” clubbing “… De mieux en mieux ! D’ailleurs, les connaisseurs auront sans doute reconnu l’influence de David Guetta dans la production de ce titre ! Sérieusement, n’avez-vous pas l’impression d’être, comme le dit Kanye West dans ” So Appalled “, fuckin’ ridiculous ?

    ” On oubliera au plus vite les “All The Lights”, “See Me Now”, l’insipide “Don’t Stop” ou le sirupeux “Blame Game (feat John Legend) ” Je commence à croire que nous n’avons pas écouté le même album : sur le mien, il n’y a pas de piste intitulée ” Don’t stop ” ou ” See me now “. Entre nous, vous arrive t-il souvent de chroniquer les mauvaises chansons, ou n’est-ce que bêtise passagère ?

    ” On en regrette d’autant plus son éparpillement et son manque de cohérence (artistique) ” Je n’aurais pas dit mieux pour qualifier votre article. Quoique, étant donné toutes les énormités que j’ai relevé, manquer de cohérence est un très bel exemple d’euphémisme. Quant à Mowno, qui s’autoproclame porte-parole de la musique ” pointue ” et” elitiste ” et qui ose relayer de telles idioties, j’ai bien peur que vous n’ayez perdu toute crédibilité…

    Un conseil : écoutez cet album en détails et faites vous un avis par vous-même. Cela en vaut vraiment la peine.

    • Tony
      Posté à 07:12h, 12 décembre Répondre

      Les Beatles provoquaient un raz-de-marée médiatique. Kanye West l’orchestre. Énorme nuance. Ça a pas mal marché, il restait du temps de cerveau disponible chez quelques personnes… Sinon si les années 80 c’est Europe et le clubbing David Guetta, on voit tout de suite qu’on a affaire à un expert…

  • Frédéric
    Posté à 19:29h, 12 décembre Répondre

    Pour le descriptif “Débat Hip-Hop”, la suite de l’histoire t’a donné raison Tony !

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