Jay-Z & Kanye West – “Watch The Throne”

Jay-Z & Kanye West – “Watch The Throne”

watch180Album
(Roc a Fella)
08/08/2011
Luxury rap

Après Green Lantern, mais avant Captain America, voilà que se dresse devant nous le blockbuster musical de cette morne saison estivale: la collaboration au sommet entre Kanye West et Jay-Z, les deux poids lourds du rap US qu’il est inutile de (re)présenter dans ces lignes. Auréolé d’une attente croissante depuis l’annonce de ce projet commun enregistré dans divers hôtels de luxe entre Honolulu, New York et Paris, et porté par une pochette à la laideur singulière (signée Riccardo Tisci, directeur artistique de Givenchy), le disque se pose comme un parfait reflet des aspirations musicales ainsi que du parcours accompli jusque là par ces deux self-made men qui peuvent à priori tout se permettre grâce à leur poids, leur influence et leur position privilégiée dans une industrie du rap dont ils ont gravi les échelons avec une facilité déconcertante. D’un point de vue créatif, il semblait donc que toute les conditions étaient réunies pour développer un album magistral où les deux rappeurs, aidés par une armée de producteurs talentueux ( The Neptunes, Pete Rock, Q-Tip, RZA), auraient mis toute la force de leur talent en commun.

Hélas, la réalité est toute autre, et au fur et à mesure que les douze titres défilent (seize dans la version deluxe), une impression de gâchis s’installe. D’abord parce que l’omniprésence de Kanye West et de son compère Mike Dean à la production se caractérise par des habitudes qu’on espérait aux oubliettes. Le morceau d’ouverture “No Church In The Wild” porté par un beat jouissif et rock à souhait, sonne comme un premier avertissement, sa dynamique étant plombée par des frissons d’auto-tune qui rappellent les pires heures de “808s & Heartbreak“. A peine le temps de se remettre de cette petite frayeur que “Lift Off” débarque avec sa production grandiloquente et la pénible tentative de chant de Kanye West, soutenu par une Beyoncé qui ne peut rien pour empêcher le morceau de sombrer dans l’anonymat le plus complet. Un peu plus loin, c’est au tour du “Feeling Good” de la grande Nina Simone de se retrouver contaminé sur “New Day” par les effets chers au rappeur de Chicago, pourtant épaulé par RZA, dont il est bien difficile de reconnaitre la patte. Et quand le disque ne se perd pas dans les choix douteux de Kanye West, il se précipite sur les modes de manière racoleuse, avec par exemple cette fade incursion en territoire dubstep sur “Who Gon Stop Me”, où ce sampling paresseux de French Touch sur le “I <3 U SO” de Cassius renommé “Why I Love You”.

Paradoxalement, les meilleurs morceaux de l’album sont ceux qui utilisent les recettes les plus simples. Ainsi, le talent de production de Kanye West – période “College Dropout” – se rappelle à notre bon souvenir à l’écoute d’”Otis”, où le sample de Mr. Redding fait des merveilles pour ce premier single. La funk de James Brown, revisitée par les Neptunes sur “Gotta Have It”, nous donne un des meilleurs morceaux du disque, le tout en un peu plus de deux petites minutes! Swizz Beatz ranime Jay-Z sur l’inquiétant “Welcome To The Jungle”, ce dernier délivrant un flow dont il a le secret et qu’on désespérait d’entendre sur cet album. Enfin, Pete Rock nous montre qu’il n’a pas perdu la main sur “The Joy”, la suavité de la soul de Curtis Mayfield faisant le travail sur un superbe morceau qui aurait mérité une fin plus noble que celle de simple bonus track.

Malgré ces quelques sursauts, l’album demeure une déception, se rangeant dans la droite lignée des derniers efforts solos de deux monstres dont le meilleur semble désormais bien derrière eux. De complaisance en manque d’audace, l’album comblera probablement les nouveaux arrivants, les autres se remémoreront une autre époque où ces deux là siégeaient tout en haut, et où désormais, un genoux à terre, ils peuvent considérer avec crainte la perte de leur trône qu’une nouvelle génération de talentueux jeunes rappeurs peut convoiter avec un peu plus d’assurance.

En écoute

Disponible sur
itunes9


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