Interpol – ‘Marauder’

Interpol – ‘Marauder’

Album / Matador / 24.08.2018
Post punk


Mettons le sujet sur la table. Il est probable qu’une question ait occupé l’esprit de Paul Banks et ses acolytes ces dernières années : est-il temps, ou pas, de mettre un terme à Interpol ?

Depuis pas mal de temps, il réside en chacun de ses fans ce sentiment persistant de voir la formation new-yorkaise courir après son passé et ses premiers coups d’éclats incarnés par le mythique Turn On The Bright Lights, un premier album devenu rapidement – et au fil des années – l’un des monuments post-punk du début de siècle. Tout comme d’autres figures de la scène locale de cette époque (on pense notamment aux Strokes et aux Yeah Yeah Yeahs), Interpol reste condamné à sortir des disques qui seront éternellement comparés à ceux de ses débuts, et il semblerait que ce soit malheureusement le prix à payer pour un groupe qui atteint les sommets beaucoup trop tôt (demandez à MGMT ce qu’ils en pensent).

Cependant, il y a chez Banks et sa bande l’intime conviction qu’il serait beaucoup plus navrant de quitter le navire alors que l’alchimie, l’énergie et la curiosité sont encore palpables au sein du trio américain. Une certaine envie de poursuivre leur exploration sonore, confirmée par l’annonce en juin dernier d’un sixième album à venir pour la fin de l’été, mais surtout par le choix de Dave Fridmann (Flaming Lips, Tame Impala) aux manettes de l’enregistrement de ce Marauder, finalement pas tant issu de l’énergie galvanisante provoquée par la tournée anniversaire de Turn On The Bright Lights l’an dernier. Le disque était en réalité déjà enregistré à 90% avant même le début de cette tournée mondiale qui n’a finalement eu pour effet que de consolider la synergie entre Daniel Kessler, Sam Fogarino et Paul Banks, plus motivés que jamais.

Moins lisse que ses prédécesseurs, ce nouvel opus retrouve donc l’agressivité et l’urgence des débuts du groupe. Si les décevants Interpol (2010) et El Pintor (2014) faisaient eux la part belle à un mixage plus froid et un ensemble global plus pop, parfois encombrés de synthétiseurs, Marauder lui a le sang chaud, le goût du live, et la production plus directe et bien plus dure. Il y a certes quelques titres insignifiants (If You Really Love Nothing, Surveillance), d’autres qui font noblement le job (The Rover, Number 10), mais aussi de véritables pépites qui resteront éternellement ancrées dans la discographie d’Interpol. Du teigneux Complications au remarquable Stay In Touch, en passant par l’évident Flight Of Fancy qui ravive les plus beaux faits d’arme de Turn On The Bright Lights et Antics, le groupe séduit par une sorte de seconde jeunesse retrouvée dont le point culminant reste la toute fin du disque et ses trois derniers titres enchaînés avec une facilité déconcertante et une intensité en constante progression (Party’s Over/Interlude2/It Probably Matters). La musique bien entendue, mais toujours soutenue par le charme et la voix incandescente d’un Paul Banks plus inspiré que jamais. Bien que le monde et les Etats-Unis aient beaucoup changé en quatre ans depuis El Pintor, le leader a choisi de ne pas commenter et de plutôt se dévoiler en écrivant pour la première fois sur la base d’anecdotes et de sentiments plus personnels qu’à l’accoutumée, donnant lieu à des paroles plus profondes, moins abstraites, plus directes.

La conclusion, s’il devait y en avoir une, est que ce nouvel album sonne comme une seconde vie pour ses auteurs. Il contentera certains fans et en désorientera d’autres, mais il a au moins le mérite de redorer le blason de la maison Interpol. Sans être le chef d’œuvre escompté, Marauder reste une nouvelle preuve que les new-yorkais, loin d’être enterrés, ont encore de la rage et de l’énergie à revendre.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
The Rover, Complications, Flight Of Fancy, Stay In Touch, Number 10, Party’s Over, Interude 2, It Probably Matters


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