Oxmo Puccino & The Jazz Bastards – “Lipopette Bar”

Oxmo Puccino & The Jazz Bastards – “Lipopette Bar”

Lipopette Bar[Album]
25/09/2006
(Blue Note/Emi)

Trop souvent confondu dans le paysage hip hop français, Oxmo Puccino a pourtant toujours cultivé une certaine différence. Dans les textes notamment, puisque le Black Mafioso n’a jamais opté pour le format classique, préférant de loin se forger son propre style, celui qui permet à chacun des textes d’un même album de tisser un lien pour aboutir sur une véritable histoire originale. Une marque de fabrique déjà présente sur son premier opus, laissant au second le luxe de souligner son avant-gardisme musical. Mais c’est suite à la tournée de “Cactus De Sibérie” qu’Oxmo se remet sérieusement en question, jauge sa motivation, désireux de proposer quelque chose de différent, quitte à s’éloigner du rap. Comme s’il sentait venir ce signe du destin, cette rencontre avec Nicolas Lug du prestigieux label Blue Note qui lui chuchote la possibilité d’un projet jazz racontant une histoire. Qui mieux qu’Oxmo Puccino pouvait s’atteler à ce genre de challenge

La nature fera ensuite le reste. Notre Mc rencontre Vincent Ségal (M, Bumcello…) qui lui présente Vincent Taurelle, pianiste, et Vincent Taeger, batteur, tous deux grands admirateurs des textes de celui qui se nomme désormais le Black Popaye. La base de ce “Lipopette Bar” est posée, le trio se met au travail, Oxmo se lance dans un nouveau scénario, mélange d’un hommage à Billie Holiday, de portraits, de rencontres, d’expériences personnelles, le tout dans une ambiance de série télévisée, de film noir. Exit la MPC, notre homme goûte aux instruments, Marcelo Giuliani (contrebasse) et Ludovic Bruni (guitare) viennent enrichir le line up, et chacun des personnages principaux du scénario endosse son rôle: Black Popaye, celui du videur du bar, Billie, de la chanteuse, Pat Phil, du flic ripou, Yuri, de l’escroc professionnel, Pile Ali, du pianiste de bar, et Yago, du bad boy de quartier

“Lipopette Bar” laisse alors éclater toute sa richesse. Les quatre musiciens imposent un groove admirable (“Au Lipopette Bar”, le typiquement Blue Note “Ou Est Billie?”, “La Roulette Russe”, “La Femme De Sa Nuit”), chaque note tient sa place sans jamais s’octroyer de liberté, et une réelle chaleur se dégage de chacun des titres. Oxmo, à son aise comme jamais, vit comme une résurrection, laisse son talent jouer de magie, parvenant même à nous faire oublier qu’on tient là un disque qui se classe toujours, quand même, dans la catégorie hip hop. Car même si certains morceaux s’en éloignent clairement (“Tito”, “Ceux Qui Disent…”, “Nirvana”), d’autres forment la fine fleur du genre (“Black Popaye”). On se laisse prendre au jeu et l’auditeur finit par écouter ces douze titres comme on regarde un beau film, charmé par les personnages (“Quoi Qu’il En Soit”), le décor, les épisodes qui se suivent (le dangereux “Ou Est Billie?” et “Conte De Fée”), et l’ambiance (“Au Lipopette Bar”)

Oxmo Puccino, à l’étiquette Blue Note fortement justifiée, balance donc à la face du rap français tout ce qui le rebute chez lui, la froideur des instrumentaux notamment. Avec “Lipopette Bar”, il s’affiche définitivement en maître des mots, en chef du swing, et accouche d’un nouveau hip hop français qui se faisait sérieusement attendre. Fini le formatage radio, les stéréotypes, les thèmes récurrents et appauvrissants. Quand on pousse les portes de ce bar rempli de gens apparemment peu fréquentables, on y commande avec plaisir un cocktail chaud de matière grise, d’originalité, et de maturité, jusqu’à maintenant bien rare dans nos contrées. Retenez cette adresse et endossez votre plus beau costard car, pour une fois, on a ici le flacon et l’ivresse..

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