Justice – “†”

Justice – “†”

†[Album]
11/06/2007
(EdBanger/Because/Wagram)

“Don’t believe the hype”, c’est parfois ce qu’on vous dit, tel un conseil pour ne pas tomber dans le piège de ces groupes bénéficiant d’un buzz hors norme. Le buzz, les deux Parisiens de Justice ont une large connaissance en la matière, savent l’utiliser à bon escient, puisque leur renommé ne cesse de faire tache d’huile depuis un certain “Never Be Alone”, tube interplanétaire sauvé d’une soirée raclette entre nos deux héros et Pedro Winter, boss d’EdBanger. Depuis, Justice est partout, contamine la majorité des clubs de la planète, remixe, et se paye quelques belles récompenses (voir ici). Sans forcément le vouloir, il ravive même cette french touch dont l’Hexagone musical n’a cessé d’être si fier, celle qui transpire par les pores de “Waters Of Nazareth”, un deuxième tube à la fois violent et frais, total contre-pied du premier

Forcément, de par son entourage et les sons qu’il adopte, Justice ne peut échapper au rapprochement avec ses parrains de Daft Punk. Si le sujet peut faire débat, on ne pourrait cependant pas les blâmer pour cela. D’ailleurs, dans bien d’autres genres, combien se sont offerts des testicules dorés en recyclant bêtement du Nirvana, du Pixies, ou du Rolling Stones? Justice ne s’en défend pas, d’ailleurs, comme des nombreuses influences jonchant “†”, son premier album qu’il aura longuement pensé pour ne pas trop vite tomber dans le prévisible. Comme s’ils partaient avec un boulet à la cheville qu’on aurait vite tendance à verrouiller, Gaspard Augé et Xavier De Rosnay ont voulu surprendre, y aller à rebrousse poil, et y sont même parvenus avec assez de finesse pour ne pas trop décontenancer les préjugés. Sceptiques? Penchez vous sur le mélancolique “Valentine”, comme hérité directement de Vladimir Cosma, ou l’electro funk “The Party” emmené par la belle et efficace Uffie, sûrement assez éloignés de ce à quoi vous vous attendiez

Mais “†” n’attendra pas plus longtemps que l’entame de “Genesis” pour annoncer la couleur: un début en fanfare annonçant l’assaut, et un beat ultra-efficace qui n’est pas sans rappeler “Thriller” du petit Michael. Celui là même qui, avec ses frangins, se rappelle à notre bon souvenir sur “D.A.N.C.E.”, ce nouveau tube house chanté, imparable, également inspiré du “Stand On The World” de Larry Levan, et qui a pris l’habitude de squatter les ondes radiophoniques comme les génériques télés. Une influence pour deux optiques bien distinctes qui permettent de discerner les deux traits de caractère de Justice. L’autre plus extrême comprise, cette face obscure du duo déjà perceptible sur “Waters Of Nazareth”, un deuxième maxi aux sonorités stridentes, aux basses qui vous boxent le thorax, le tout à un niveau de compression et de saturation rarement atteint. Dans un même registre, mais en plus mélodiques, “Let There Be Light” et “Phantom” ne sont pas mal non plus

Mais en trouvant le juste milieu, Justice rassure ceux qui auraient pensé un premier album imbuvable et vite barbant: ce qui aurait été le cas si tout s’était inscrit dans la lignée de “Stress”, au titre approprié, mais néanmoins unique et réussi. Car quand ils ne tapent pas dans un registre léger ou agressif, les deux Parisiens piochent un peu dans les deux, et ajoutent un groove imparable débouchant sur une disco futuriste, dangereusement addictive. Notre regard se tourne alors vers “New Jack”, sorte de clin d’oeil à la période dorée de l’electro française il y a dix ans de cela, les violons indélébiles de “Phantom pt II”, la véritable leçon d’electro rock que peut être “DVNO” (sans conteste un nouveau hit en puissance), ou le final “One Minute To Midnight” bouclant parfaitement la boucle

“†” est donc largement à la hauteur des attentes et fait partie de ces rares cas de buzz justifié, celui-ci étant déjà allé beaucoup trop loin pour n’être que poudre aux yeux. Il marque par sa spontanéité, ses références à peine dissimulées, comme si le duo s’était tout simplement laissé aller à ses envies, sans vraiment se préoccuper du qu’en dira t-on. Justice fait du Justice, découpe le bruit de manière accrocheuse, invite la pop sur le dancefloor. Et tout autre rapprochement hâtif, avec un certain “Discovery” notamment, ne ferait que finalement écorcher le formidable travail accompli, tout comme la puissance de sa musique. Pour preuve, cette marque de fabrique qui dépasse les frontières (y compris de l’electro puisqu’on en arriverait presque à parler de pop à quelques reprises), se reconnaît à la première boucle, qui n’a pas attendu un premier album pour faire des émules ou des clones, et qui a trouvé la clé du tombeau de cette french touch qu’on pensait définitivement aux oubliettes. “†” donne donc le départ d’un nouveau cycle longtemps espéré. Pour cela aussi, on en parlera longtemps..

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