Blanck Mass – ‘World Eater’

Blanck Mass – ‘World Eater’

Album / Sacred Bones / 03.03.2017
Noise monstrueuse

Benjamin John Power a ceci de commun avec son congénère Daniel Lopatin, Oneohtrix Point Never pour les intimes, un amour de la rythmique synthétique musclée et fulgurante. L’état dans lequel laisse ‘World Eater’ est à l’image de la claque de dernière minute qu’avait infligé le ‘Garden Of Delete’ de OPN il y a un an et demi. Sublimation compacte du registre de l’épique, assimilation violente de tout ce dont le monde moderne est capable de produire, Blanck Mass nous renvoie à notre propre monstruosité – celle qu’on percevait déjà à travers un amas de chairs entremêlées, le précédent ‘Dumb Flesh‘, déjà bluffant.

Ici les chairs brûlent vives, ravivent des sentiments qu’on imaginait enfouis, l’intensité tue et dépassée de l’adolescence, un parcours jonché d’épreuves nerveuses et d’ascenseurs émotionnels à la profondeur démesurée. ‘World Eater’ ouvre une brèche dans laquelle les repères cartésiens se soumettent à la sensation pure et dure et bouleversent les principes d’ordre, on atteint les limites de la raison en moins de temps qu’il n’en aurait fallu. Le poids des samples scotchés grossièrement les uns sur les autres (‘Rhesus Negative’) ancrent tous ces éléments de l’apocalypse jusqu’aux tripes et leur confèrent la gueule d’une bourrasque qui n’épargnera rien ni personne. Les superpositions fulgurantes de ‘The Rat’ sont autant de remous, course au souffle haletant, proie évidente des turbulences aigües. Assez peu de voix mais ‘Please’, ‘Hive Mind’ et ‘Silent Treatment’ dérogent à la règle, grandiloquentes à demi-mots, hachurées ou scratchées, vulgaires émanations d’un brouhaha général qui se veut inaudible. Ni voix ni chapitre.

Bouffer le monde, l’absorber tout d’un coup et le digérer. Blanck Mass intègre avec ce ‘World Eater’ la lie de l’humanité, depuis le caniveau (‘Minnesota / Eas Fors / Naked’) jusqu’à tutoyer les astres limpides des mélodies sans égal. La brutalité de la confrontation entre le laid et le beau, l’hideux et l’harmonieux rend la chose fascinante d’une esthétique rare, et le disque précieux.

A VOIR
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

‘John Doe’s Carnival Of Error’, ‘The Rat’, ‘Silent Treatment’


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