Elijah Prophet – “King Of Kings”

Elijah Prophet – “King Of Kings”

King Of Kings[Album]
28/08/2006
(Pow Wow/Nocturne)

Contrairement aux apparences, le reggae est une musique en constante évolution. Si la plus remarquable des révolutions musicales s’est produite en 1985 avec l’arrivée du “Sleng Teng” Riddim, créant ainsi deux courants distincts d’une seule et même musique, il n’en reste pas moins que c’est seulement la partie visible d’un iceberg de créativité. En effet, la Jamaïque se lasse assez rapidement des modes et a toujours besoin de nouveautés et de changements

Lassé d’un reggae roots et messianique, le public préférera au début des années 80 un “dancehall” plus festif. Même si ce reggae dit “roots” n’a jamais vraiment cessé de subsister, il fait pourtant un retour fracassant au milieu des années 90 avec un artiste phare: Garnett Silk. Peu à peu, il reprend sa place dans les dances et dans les charts. A l’époque, c’est l’ère du tout digital. Mais comme tout est cyclique en Jamaïque, le dancehall revient assez rapidement sur le devant de la scène avant de concéder la place à un énième retour du roots qui fait la loi à l’heure actuelle sur l’île. Cette nouvelle mode appelé “One Drop” n’a pas grand-chose à voir avec le titre de Marley mais a cette particularité: le retour aux instruments, chose que l’on croyait réservée au passé. Qualifiée à juste titre par les magazines spécialisés de “Roots FM”, puisque très soft musicalement et mixé assez platement, cette nouvelle tendance a révélé des artistes comme Fantan Mojah ou I Wayne (l’un des précurseur du mouvement) et se caractérise par des textes qui, s’ils dénoncent toujours les maux de la société, le font de façon plus universelle que leurs prédécesseurs

Elijah Prophet est un artiste de cette “génération” One Drop. S’il n’est pas un nouveau venu sur la scène, puisqu’on retrouve ses traces discographiques depuis le début des années 90, il n’en restait pas moins jusque là un second couteau. Enchaînant quelques bons singles dernièrement sur le marché très concurrentiel des amateurs de 7”, il est donc passé en quelques mois au statut d'”upcoming singer”. Capitalisant sur ce début de renommée, c’est tout naturellement que Pow Pow Movement, label de reggae allemand, déjà à l’initiative de quelques très bonnes séries de 45 tours, là où habituellement la seule production jamaïquaine prévaut, décide de sortir un album du Prophet. Bien souvent, les longs supports d’artistes actuels sont assez décevants. Compilation de singles déjà sortis, morceaux crossover qui ne réussissent jamais à trouver leurs cibles ou multiplication de titres qui chargent inutilement l’ensemble, bref les raisons de redouter la sortie de ce genre d’exercice sont nombreuses. On pouvait donc craindre le pire puisque c’est un album de 16 titres que nous livre Pow Pow

Le titre d’ouverture “Piece Of Ganja” est efficace. Refrain qui rentre vite en tête et riddim qui tourne. Si le propos manque d’originalité tout comme les paroles (agent de la maréchaussée, s’il te plait ne m’arrête pas car je fume mon joint), l’ensemble atteint assez facilement son but. De toute façon, vu le nombre de français anglophones qui écoutent du reggae, ils peuvent bien chanter ce qu’ils veulent, peu captent de quoi il est question… Tout au long de l’album, on retrouve également quelques titres qui ont déjà fait leurs preuves sur le marché des 7” comme le “Got To Be Conscious” sur le riddim Crystal Woman et le “Small World” sur le riddim Muzik du label Rootdown ou encore le “King Of Kings” sur le riddim Superior qui donne son nom à l’album. Peu de “recut” de riddims connus et une large part à la créativité de la part de Pow Pow, quelques exceptions quand même avec le riddim Shanty Town et un MPLA qui, pour le coup, fleure l’early digital. Si Elijah Prophet n’a pas de lyrics vraiment originaux, il faut reconnaître qu’il sait se poser sur une version et sait écrire quelques bonnes accroches qui vous rentrent dans la tête avec l’intention de ne pas vouloir en sortir..

A l’arrivée peu de titres sont mauvais, hormis peut être “Music Is Life” au riddim hybride et au refrain exécrable et indigent (“hip hip hurra, no matter what they say”). Là, la sauce ne prend pas. Restent de très bons moments, comme le “Children Of The World” au riddim faussement dépouillé et au propos unitaire, “Revolution” ou encore “Nah Tek No Talk” au rythme stepper. Bref un album sérieux et chaudement recommandé.

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1 Commentaire
  • matthieu
    Posté à 20:31h, 08 février Répondre

    Tres bon article, les commentaires son absolument cohérents , l’analyse est tout à fait pertinente
    Ou pourrais je trouver les paroles de ces songs

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