Jarring Effects – “Cape Town Beats”

Jarring Effects – “Cape Town Beats”

Cape Town Beats[Album]
05/11/2007
(Jarring Effects/Discograph)

La connection entre Jarring Effects et l’Afrique du Sud ne date pas d’hier mais de 2003 exactement, quand Interlope s’en est allé là-bas dans le cadre d’un échange culturel avec les locaux de Zong! et The Constructus Corporation, appartenant tous deux au catalogue African Dope, le label phare du pays. Et cette rencontre entre les deux structures n’est finalement pas due au hasard puisque l’approche politique de la musique est un point commun qu’elles partagent largement. Ainsi, il ne sera pas surprenant d’entendre les artistes des deux camps s’élever contre les inégalités, tout en se ralliant sous une même couleur musicale non mainstream, composée de jungle, de breakbeat, d’electro, de hip hop et de ragga. Le duo parisien aura donc servi d’étincelle pour cette relation lumineuse entre deux acteurs à l’éthique reluisante, qui se traduit aujourd’hui par la sortie chez Jarring d’un coffret trois CD permettant de mettre quelques sons sur des noms parfois seulement murmurés

Une compilation, et deux albums sont donc au menu de cet objet découverte. La première aligne tous les plus solides représentants sud-africains, qu’ils soient essentiellement hip hop (la formation féminine Godessa, Tykoon Suit, Kuti Kult, l’excellent Ben Sharpa, Crypticism), ou plus rarement electronica ( Markus Wormstorm, ou Felix Laband, connu des aficionados du label Compost), electro hip hop (The Constructus Corporation), et breakbeat (Sweat X). Et ceux-là ne forment qu’un bref aperçu de ce disque souffrant, comme ses homologues européens ou américains (pas de raison après tout!) d’un certain manque d’homogénéité, mais dont tout l’intérêt réside dans la découverte d’une poignée d’artistes intéressants, qui n’auraient peut-être jamais atterri dans les oreilles françaises sans la contribution des lyonnais

Parmi eux, on retrouve également Sibot, dont l’album “In With The Old” figure également au packaging. Le contraire aurait été criminel tant il est l’un des artistes les plus prolifiques du pays, alliant des talents de musicien, dj, arrangeur, et producteur qui lui font participer à de nombreux projets (The Real Estate Agents, The Constructus Corporation, FuCK’n’RaD, Chromoscience…). Considéré aujourd’hui comme un des précurseurs de l’electro hip hop locale, il pond “In With The Old”, un deuxième album mariant des mélodies accrocheuses à des rythmiques hip hop syncopées assez proches de Prefuse 73 ou Chris De Luca. Pourtant, si le sujet est incontestablement maîtrisé (“Bang On The Drum”, “12345”, “Granny Scratch”) et qu’il tient la dragée haute à de nombreux frenchies évoluant dans cet univers musical, cet opus de 21 titres aurait certainement gagné à être plus court pour n’en révéler que le meilleur. En effet, trop de morceaux en demi-teinte (“Strhaff Tak”, “Sixatesix”, “Mums The Word”…) viennent contrebalancer une bonne impression s’effritant malheureusement sur la longueur

Il se verra cependant offrir une seconde chance avec “FuCK’n’RaD”, l’album qu’il propose ici sous le nom de Dj Fuck, et sur lequel il est accompagné du Mc Totally Rad dont avait déjà entendu la voix particulière et le flow acéré, façon The Streets, sur le “Electrified” d’Interlope. Rappelez vous, le monde est petit. C’est donc cette fois d’un mélange d’electro hip hop et d’electro pop qu’il s’agit. Et l’on ne se forcera pas longtemps à avouer qu’on a affaire là au disque le plus intéressant de ce “Cape Town Beats”, l’ambiance décalée (“Drunk By Name”, “Visitor”), mêlée à l’efficacité des titres et de la voix, rendant l’écoute aussi plaisante qu’enthousiasmante. Et ce ne sont pas des morceaux comme “Super Evil” au contre-temps original, les très réussis “Reprogram” et “World Champion”, ou le comico “The Organ Grinder” qui viendront remettre en cause la fraîcheur et le fun qui s’élèvent de titres majoritairement oppressants et glacés

Jarring Effects offre donc ici une belle opportunité de découvertes, et d’ouvrir un peu plus nos oeillères de métropolitains blasés. La scène sud-africaine transpire incontestablement la vie, et il se dégage de chacun de ces trois disques une spontanéité et une envie qui laissent penser qu’on n’a certainement pas fini d’entendre parler de tous ces artistes qui en ont encore incontestablement sous la semelle. Presque cinquante ans d’apartheid auront donc tristement marqué à jamais un pays qui a, semble t-il, bien rattrapé le temps perdu. Une belle démonstration dans son ensemble..

Ecoutez un extrait des artistes African Dope ici

Ecoutez un extrait de Sibot ici

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