Cannibal Ox – ‘Blade Of The Ronin’

Cannibal Ox – ‘Blade Of The Ronin’

Album / iHip Hop Distribution / 03.03.2015
Hip hop

A plusieurs titres, le retour tant attendu de Cannibal Ox est un acte courageux de la part de Vast Aire et Vordul Mega qui, depuis l’imparable ‘The Cold Vein’ (2001), ont eu quelques peines à exister séparément. ‘Courageux’ parce que pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis cette ère ou de nombreux labels – Def Jux en tête – s’évertuaient à secouer le registre classique et routinier des années 90, jusqu’à parvenir à vulgariser leur approche expérimentale quelques années plus tard. ‘Courageux’ aussi parce que les talents de producteur de El-P ont indéniablement contribué au succès d’estime historique de ce premier album et que celui-ci – durablement remis sur son piédestal grâce à Run The Jewels – a poliment (ou non) décliné l’invitation du duo à rééditer.

Sans doute plus par la force des choses que par réelle volonté, ‘Blade Of The Ronin’ n’affiche donc pas la même couleur que son aîné: les ambiances science-fiction, comme les sonorités aussi glaciales que tranchantes chères au Company Flow (rappelez-vous ‘Iron Galaxy’), sont toujours là mais tapies dans l’ombre, et ne sont plus servies avec la même roublardise. Néanmoins, quelques-unes parviennent encore à joliment percer (‘Water’, ‘Harlem Knights’, ‘Iron Rose’, ‘Gotham (Ox City)’), ravivent à l’occasion les souvenirs de ‘The Cold Vein’, toujours assez brièvement pour ne faire office que de trait d’union.

Bien que cohérente, consistante même du haut de ses 19 titres intégralement produits par Bill Cosmiq (à l’exception du très classique ‘Blade: The Art Of Ox’ signé Black Milk), cette deuxième salve souffre de la comparaison de par un manque – finalement logique – de fraîcheur et d’inspiration: les deux ingrédients de l’effet de surprise qui porte le duo de Harlem depuis bientôt quinze ans. C’est donc lorsqu’il ne vit pas uniquement sur le passé (‘Carnivorous’), qu’il ne confond pas efficacité et lourdeur (‘Psalm 82’, ‘Thunder In July’, ‘The Fire Rises’), que ‘Blade Of The Ronin’ trouve les ressources nécessaires pour marquer les esprits, notamment dans une poignée de samples mélancoliques couplés à cette obscurité qui va si bien au duo (‘The Power Cosmiq’, ‘Salvation’).

‘Blade Of The Ronin’, porté par le verbe et la complémentarité de Vast Aire et Vordul Mega parfois essoufflés, a beau ne pas décevoir pour autant et figurer parmi les meilleures livraisons récentes du genre, il n’est pas le miracle tant attendu d’un second ‘The Cold Vein’. Non pas que Cannibal Ox ait loupé la marche, juste qu’il assiste presque impuissant au retour du boomerang: il n’est plus le précurseur qu’il était, et l’incendie ravageur auquel il a lui-même contribué n’est plus aujourd’hui qu’une flamme qui n’émeut plus. Le monument espéré n’est donc ‘seulement’ qu’un excellent album de reformation et, en toute objectivité, c’est déjà beaucoup.

‘The Power Cosmiq’, ‘Water’, ‘Harlem Knights’, ‘Iron Rose’, ‘Gotham (Ox City)’


1 Commentaire
  • Thomas
    Posté à 16:10h, 04 mai Répondre

    Curieux de savoir si l’auteur de ces lignes n’a pas aujourd’hui classé ce disque au range des monuments, aux côtés de Cold Vein.
    J’ai eu le même avis à la sortie de l’album, excellent album mais pas au même niveau, puis les années ont passé, et comme un bon vin, cet album a pris toute sa dimension pour être aujourd’hui à mes yeux un monument. C’est peut-être aussi que les années passent, et la couleur de cette album reste unique, preuve de sa force totale. Oui c’est un album courageux, avec des prises de risque à tous les niveaux, et au risque de m’attirer quelques regards noirs, je trouve même que les prods de Bill Cosmiq collent encore mieux à l’univers des deux compères. Son travail était lui aussi très courageux, il fallait succéder à El-P, et finalement il a réussi à capter toute l’essence du groupe, les prods possèdent une aura incroyable. Bref, petit commentaire qui n’arrivera probablement aux yeux de pas grand monde mais j’avais juste cette pensée qui me traversait l’esprit en réécoutant l’album et en allant voir les critiques de l’époque.

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