Scopitone 2018, on y était !

Scopitone 2018, on y était !

Vendredi 20 septembre à Nantes. C’est frais comme des gardons, tout plein de Legowelt et de Leffe tièdes, qu’on s’attaque à Scopitone pour la première fois. Baptême de feu, de cultures électroniques et d’arts numériques. De fer aussi, grâce à l’enceinte géniale du Stereolux, massif édifice de près de cinq mille mètres carrés, à l’ossature d’acier et au toit de verre. Comprendre : le truc a de la gueule. Faut dire que, pour l’occasion, le festival avait dégainé l’artillerie lourde : pontes techno, rideaux antibruit, installations créatives surprenantes, breakfast included pour les teufeurs les plus acharnés… Seule la pluie aura un peu ruiné le tableau.

Passée la phase d’admiration, on zappe rapidement de Dasha Rush à Deena Abdelwahed; il faut garder le mouvement, trois salles seront à honorer ce week-end. Suivre la ligne verte, c’est se manger les kicks bruts et intenses de la productrice russe pour aller trouver un peu plus de chaleur chez la protégée d’InFiné, les vibes plus urbaines de l’inspirante tunisienne étant plus accueillantes. C’est Luke Slater (photo ci-dessous), légende de la scène rave anglaise, qu’il est maintenant l’heure de retrouver dans l’arène de la grande nef des anciens chantiers navals de Nantes. Et son set à prendre de front. Les rideaux antibruit prennent cher, le son se compacte et les décibels pleuvent. Notre vie synaptique commence à dépérir, la variation se fait rare et burine littéralement tout le public. La nef résonne, les gobelets trinquent, tombent et ne se ramassent plus.

De l’autre côté, c’est Madben (photo ci-dessous) qui régale, et là les choses prennent une tournure encore plus agréable. Fort d’un premier album sorti cette année, Fréquence(s), il présente ce soir son live avec un plaisir non dissimulé : une techno ciselée, riche en turbulences, qui ne manque pas de magnétisme. Le show est impeccable avec ses moments de grâce et de folie, la dynamique prend et le parterre s’embrase sans faire de manière. De loin le meilleur moment de cette soirée. Girlpower, Paula Temple puis Nina Kravitz prennent la suite. En bonnes références techno, le mode opératoire choisi est plutôt direct. Même combat. Le rythme est binaire et le son intransigeant, les beats de la Berliner de cœur ouvrent à peine une faille à l’horizon et les kicks de Nina assènent des gros coups à tous ceux qui voudraient voir plus loin. L’absence de live à ce niveau-là de la soirée ternit doucement nos petits tympans – trois salles, plus qu’une ambiance -, il s’agit de remonter la ligne verte.

Samedi 21 septembre. C’est un petit peu moins vaillant que la veille, mais toujours enthousiaste que l’on retourne affronter le Scopitone. La deuxième soirée s’annonce plus douce que la veille, la techno froide semblant s’effacer progressivement devant les promesses house de Ross From Friends et Kiddy Smile (photo ci-dessous). Face à ces premiers sets tout en chaleur, on bascule carrément dans le lubrique avec Vladimir Cauchemar qui s’applique à faire le show, porté par l’entêtante flûte de son tube, Aulos. Comme une toile de fond, l’instrument se faufile dans son DJ set se distinguant par des hauteurs épiques et la voix agressive du rappeur Tekashi 6ix9ine, qui donne au Scopitone des accents de festival Hip Hop. Le reste du set se déroule sans accroc, dans une ambiance qui commence à monter. Les festivaliers s’échauffent, on tombe le tee-shirt avant de le remettre bien vite pour le live plus cérébral de Max Cooper.

On change alors de plateau et d’ambiance avant que le londonien fasse son entrée pour jouer Emergence, le live inspiré de son deuxième album. Profondément habité par l’âge d’or de l’electronica et les profondeurs des B.O de Philip Glass, le producteur s’applique à construire une musique d’abord informe, un mélange brouillon qui s’affranchit petit à petit de son versant IDM pour s’adonner à une techno réfléchie et mélodique. A mesure que le concert gagne en constance, c’est toute la salle qui semble basculer dans une hypnose collective. La faute à des visuels surprenants, qui épousent les ondulations d’une musique chargée en montagne russes, qui raconte et explore la création de l’univers. On ondule lentement avec les aventures racontées ici, avant un détour vers le bar, pas encore pris d’assaut, et une bifurcation d’importance vers le dj set de John Talabot.

D’ordinaire versé dans un éclectisme de bon goût, qu’il incarne désormais plus avec son label Hivern Discs que par ses productions personnelles, l’espagnol semble ici tourner vers l’utilitaire et le commun. Sans surprises, ni sorties de route, son set déçoit malgré quelques déviances acid qui font mouche. C’est donc un poil déçu qu’on s’achemine vers les italiens d’Agents Of Time (photo ci-dessus) qui oeuvrent en trio sur une techno profonde, installée entre la violence sourde et des mélodies stellaires qui parlent des galaxies que nous connaîtrons par coeur dans un siècle ou deux. Leur set conclu, on s’achemine vers la sortie, un peu avant la masse des fêtards qui agitent encore les bras, sans un regard pour un lendemain plus si lointain et la fin d’un festival à l’allure toujours plus impressionnante.

Photos David Gallard


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