Warp, déjà 20 ans d’avant-garde…

Warp, déjà 20 ans d’avant-garde…

On ne pouvait commencer 2010 sans vous avoir parlé un peu plus longuement d’un des événements musicaux majeurs de l’année qui vient de s’achever: les 20 ans du label Warp. Il faut dire que cet anniversaire fêté en grandes pompes n’est pas passé inaperçu, faisant l’objet de sorties spéciales et de multiples soirées à haute intensité, notamment à la Cité de la Musique à Paris en mai dernier. Finalement, vingt ans après sa création, WARP, pour We Are Reasonable People ou Weird And Radical Projects, continue de tracer sa route avec une longueur d’avance malgré la foudroyante crise de l’industrie du disque, en suivant une direction artistique qui a su s’ouvrir et se diversifier dans le respect de sa cohérence et de son exigence. Pour rendre hommage comme il se doit à cette véritable institution de la musique électronique, rien ne vaut un brin d’histoire relatant un parcours riche et exemplaire…

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En 1989, Steve Beckett et Rob Mitchell (disparu en 2001) créent, dans leur contrée britannique de Sheffield, un petit label qui allait vite devenir l’une des références mondiales de l’électro, et plus largement un véritable laboratoire de musiques avant-gardistes, dans la continuité de leur records shop FON («Fuck Off Nazis»), installé dans un hangar désaffecté et spécialisé dans l’acid house. Une création qui s’apparente d’office à un acte de résistance dans une Angleterre dirigée d’une main de fer par Margaret Thatcher et subissant de plein fouet les conséquences de la désindustrialisation. Dans ce contexte austère, les jeunes se réfugient tous les week-ends dans des raves parties pour se révolter dans la danse et célébrer l’électro libre. Warp est bel et bien un produit de cette époque d’où il tire son activisme et sa force créatrice.

Les premières figures de ce «label pionnier et respecté», selon les dires de la BBC, se nomment LFO (Low Frequency Oscillation, duo formé de Mark Bell et Gez Varley ), Nightmares On Wax (le DJ George Evelyn ) et Autechre (Rob Brown et Sean Booth, personnages phare des raves anglaises de l’époque, et artisans d’une électro tranchante et déstructurée qui deviendra l’une des marques de fabrique de Warp ) et sortent des premiers maxis taillés pour le dancefloor. Arrivera ensuite celui auquel le label est encore le plus fréquemment associé: le génie Richard David James, aka Aphex Twin , issu de l’underground londonien et fondateur du label Rephlex Records, qui y signe un premier album, «I Care Because You Do», en 1995. A partir de là, la structure ne cesse de prendre de l’envergure en étoffant son répertoire et en ouvrant ses portes à de nouveaux artistes: Jimi Tenor, Squarepusher (le bassiste Tom Jenkinson ), Plaid (réunissant deux anciens membres du groupe The Black Dogs aux influences hip-hop ) et surtout le duo écossais Boards of Canada, qui signe en 1998 un emblématique «Music Has The Right To Children», participant à donner au label une facette beaucoup plus «ambient» et mélancolique.

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Les années 2000 constituent une nouvelle étape alors que Warp déménage de Sheffield à Londres. Tandis que les artistes des débuts répondent toujours présents, le label poursuit sa quête de nouveaux talents alternatifs en lorgnant toujours plus vers le hip-hop, le rock, la pop ou encore le folk psyché: Guillermo Scott Herren (aka Prefuse 73 et Savath & Savalas ), Antipop Consortium , Chris Clark , Luke Vibert et Maxïmo Park entre autres le rejoignent. Warp grandit et commence à poser des jalons dans un univers créatif plus large que celui de la musique. En 2001 est créée la société de production cinématographique Warp Films, qui s’articule autour des réalisateurs Chris Morris, Shane Meadows et le célèbre Chris Cunningham, auquel Aphex Twin doit notamment le remarquable clip de «Windowlicker», caricature désopilante de la culture «gangsta» aux States. Warp Films s’est également lancé dans la production de longs métrages, dont le dernier en date, «Toute l’histoire de mes échecs sexuels» de Chris Waitt, est sorti en salle en mai dernier.

Dans la foulée, le label s’engage en 2004 sur le terrain du téléchargement en lançant Bleep.com, première plateforme de téléchargement payant proposant la vente de titres MP3 sans DRM. Une nouvelle preuve de son indépendance d’esprit et de son engagement.

Ces cinq dernières années furent enfin marquées par de remarquables sorties prouvant l’incroyable longévité de Warp Records, qui a su s’adapter à l’ère du temps sans jamais abandonner les valeurs de créativité et d’anticonformisme qui ont accompagné sa création. Qu’il s’agisse de Flying Lotus , Leila Arab , Jamie Lidell (photo) , Pivot , Gang Gang Dance ou Dj Mujava , tous ont apporté leur pierre sans fausse note à un édifice déjà très solide.

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Vingt ans plus tard, les signatures reflètent toujours la même vitalité et la même passion pour une musique qui se veut tout sauf formatée. Nous n’avons cessé de le répéter: 2009, tout comme l’était 1989, a bel et bien été une année Warp, au travers de sorties plus étonnantes les unes que les autres parmi lesquelles «Listening Tree» de Tim Exile , «Ambivalence Avenue» de Bibio , «Totems Flare» de Clark, «Veckatimest» de Grizzly Bear ou encore le premier album d’Hudson Mohawke , «Butter».

Mais l’histoire du label ne peut être mieux contée que par le Warp20 Box Set, un somptueux coffret collector que les fans se sont arrachés à l’automne dernier. Nous vous avions déjà révélé une partie de sa composition ici, avant d’avoir entre les mains ce fabuleux objet, 100% Warp à l’extérieur comme à l’intérieur. Sous un habillage sobre et ultra design, on découvre d’abord trois compilations rangées dans des boîtiers-livres au format vinyl 10’’, sur lesquels le logo Warp20 voyage d’un univers à un autre dans un esprit très «land-art». La double compil «Chosen» regroupe des titres choisis par les fans et par Steve Beckett en personne, et s’apparente à un best-of plutôt classique et réservé à ceux qui ne possèdent pas déjà tous ces singles mythiques dans leur collection. La sélection «Recreated» innove davantage, composée de deux disques dans lesquels «Warp est remixé par Warp». Un résultat qui donne de savants mélanges comme un remix d’Aphex Twin par Born Ruffians, de Jamie Lidell par Tim Exile, de Grizzly Bear par Pivot ou encore de Boards Of Canada par Bibio . Mais c’est le mix «Elemental» qui présente selon nous le plus d’intérêt, regroupant 65 titres explosifs de l’ensemble des artistes du label mixés par Osymyso qui transforme d’emblée votre salon en méga dancefloor. La suite de la box se décline en deux vinyls de versions instrumentales loopées et trois vinyls d’«unheard», dont on retiendra les sublimes «Seven Forty Seven» de Boards Of Canada et «Sam Lac Run» de Plaid.

La cerise sur le gâteau est incontestablement le magnifique catalogue de la box, regroupant toutes les covers des singles et albums sortis sur le label depuis sa création, pour nous rappeler que Warp, ce n’est pas simplement du son, c’est aussi de l’image. Une des collaborations les plus importantes en matière de design reste celle réalisée entre Warp et The Designer’s Republic, studio de graphisme de Sheffield, dont les artistes ont réalisé la quasi totalité des pochettes des premières galettes du label, notamment celle du premier album de LFO, «Frequencies». Cette collaboration, à l’origine d’une identité visuelle forte caractérisée par le minimalisme, le décalage et la prévalence des formes géométriques, restera en vigueur jusqu’au début des années 2000. Ces dernières années, la structure s’est entre autres associée au studio londonien YES, auquel on doit de nombreuses covers de Maxïmo Park, ainsi que l’ensemble des artworks Warp20.

Pour ceux qui auraient raté le coche et voudraient se procurer le précieux coffret deluxe, quelques-uns restent encore à vendre sur Internet, à des prix parfois exorbitants… Les autres pourront toujours se consoler en achetant les versions CD classiques des compils «Chosen», «Recreated» et «Unheard», qui regroupent la majorité des titres du Warp20 Box Set.

Après tout ça, on se demande bien où Warp va pouvoir trouver des ressources pour entamer sa troisième décennie… Nous parierons de notre côté sur les nouvelles recrues du label, notamment le producteur écossais Rustie, dont le premier album devrait être disponible très prochainement. Vous pouvez à ce titre écouter dès maintenant les nouveaux sons grâce à la compil «Warp 2010» fraîchement sortie. Mais il se peut également que les vétérans  nous surprennent… Cela fait par exemple un bon bout de temps que l’on entend courir la rumeur d’une nouvelle sortie pour Aphex Twin, même si rien n’a été confirmé pour l’instant. Il faudra donc s’armer encore d’un peu de patience. Ce qui n’empêche pas de reprendre les festivités. Warp organisait sa première soirée parisienne de 2010 au Rex Club le 7 janvier avec Clark, Bibio et Spencer. C’était l’occasion rêvée de souhaiter un dernier Happy Birthday au label et de se gorger de bon son pour bien attaquer l’année.

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Antipop Consortium – “Ghostlawns”vidanti1 Aphex Twin – “Windowlicker”vidaphex
Battles – “Atlas”vidbattles Boards Of Canada – “Dayvan Cowboy”vidboards
!!! – “Heart Of Hearts”vidchk Clark -“Ted”vidclark
Jamie Lidell – “Another Day”vidjamie Luke Vibert – “I Love Acid”vidluke
Dj Mujava – “Township Funk”vidmujava Pivot – “In The Blood”vidpivot

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