Putain déjà – Fugazi fête les 20 ans de ‘Instrument’

Putain déjà – Fugazi fête les 20 ans de ‘Instrument’

Il fallait bien un documentaire de la trempe d’Instrument pour immortaliser à jamais tout ce qu’était Fugazi : un groupe au charisme indéniable, à la présence scénique incomparable, à la rigueur éthique inébranlable. Et personne d’autre que Jem Cohen ne pouvait le réaliser. Ami de longue date de Ian MacKaye, il a réalisé plus de 40 films, le plus souvent inclassables du fait de son approche brute, singulière et expérimentale de l’image : trois qualificatifs qui collent tout aussi parfaitement à la musique du quatuor de Washington DC dont il a amassé une multitude d’images d’archives (entretiens, lives, studio…) entre 1987 et 1997. Les mêmes qui lui ont demandé cinq ans de montage avant qu’elles fassent définitivement la richesse d’un film devenu immédiatement indispensable à tous les fans de ce groupe légendaire qui, trois ans après, décidait de raccrocher les guitares pour ne plus jamais revenir.

Aujourd’hui donc, Instrument est tout ce qu’il reste aux plus nostalgiques pour que jamais le souvenir de Fugazi ne s’évapore de leur esprit. Durant deux heures d’images majortairement filmées en Super8 et 16mm, on y revit quelques-uns des moments les plus mythiques d’une carrière unique, conduite par des principes auxquels le groupe n’a jamais dérogé. Quand un Guy Picciotto habité se pend par les pieds à un panier de basket, on se replonge alors dans l’authenticité et la générosité de concerts convulsifs. On se souvient que le groupe improvisait ses sets lists, gérait lui-même ses tournées, jusqu’à assurer son propre service d’ordre sur scène et en faire un des moments forts de ce documentaire. Quel fan n’esquisse pas ici un sourire approbateur quand Ian MacKaye fait monter sur scène un spectateur irrespectueux afin qu’il s’excuse de lui avoir craché dessus, avant de le virer manu militari de la salle ? L’humour rôde également alors que les deux frontmen font preuve de la plus grande accessibilité en répondant aux questions banales d’une lycéenne un peu nerveuse…

Malgré tout, Instrument ne se veut pas la biographie imagée de Fugazi, encore moins une succession de clichés. Il incarne surtout la volonté du groupe de rétablir des vérités (non, il ne vivaient pas tous ensemble dans une maison sans chauffage comme le pensait le beau-frère de Brendan Canty!) sans jamais tomber dans la manipulation. Il revêt aussi son souhait de mettre en lumière la communauté qui gravitait autour de lui, tout comme ce mode de vie demandant tant de concessions qu’il ne pouvait finalement être qu’une vocation.

Volontairement débarrassé de tout artifice, le film souligne aussi la perfection atteinte par le groupe dans son équation d’exigence artistique et d’engagement social. Tout au long du documentaire, l’évolution musicale de Fugazi reste évidente, tout comme la régularité avec laquelle il a souvent donné une dimension sociale à sa carrière en jouant pour la bonne cause. Sa lutte contre le racisme, son soutien aux sans abris, son combat pour les soins médicaux gratuits ont ainsi été autant d’occasions de se produire en public. Plus que des musiciens dont on apprend rien une fois ce Instrument parcouru de bout en bout, c’est ce que l’on retient finalement de Fugazi. Et c’est aussi ce qui fait la différence avec les documentaires lambda, trop souvent nombrilistes et mis en scène.

Côté musique, le film s’accompagne d’une bande originale principalement composée de démos et parties instrumentales le plus souvent héritées des sessions d’enregistrement de l’album End Hits sorti quelques mois auparavant. Paru une semaine avant la VHS de l’époque, Instrument Soundtrack aligne 18 pistes partagés entre ébauches et inédits, surprenants pour certains, à l’image de I’m So Tired ou l’on entend pour la première fois Ian MacKaye au piano. C’est tout cela que l’on vous propose de revoir et ré-écouter alors que deux décennies se bouclent, que Fugazi n’est toujours pas sorti de son hiatus et que ce Instrument lui a définitivement interdit de vieillir.

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