Coups de bulles en Mai – L’actualité BD

Coups de bulles en Mai – L’actualité BD

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Ces « Coups de Bulles » du mois de Mai vont vous faire voyager dans le temps et dans l’espace: de la préhistoire à un futur qui ressemble étrangement à notre présent, et du Grand Canyon à l’Allemagne, le tout en bateau, en avion, en skate-board ou en stop. Les livres que nous vous avons sélectionnés devraient encore une fois vous donner un aperçu de la richesse éditoriale du monde de la bande dessinée moderne.

blackbird_couv« Blackbird »
Pierre Maurel
L’Employé du Moi
14,6 x 21 cm
128 pages

www.employe-du-moi.org
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A l’heure du web 2.0, beaucoup de nos lecteurs n’ont probablement jamais tenu un fanzine entre leurs mains. Pourtant, s’il a bel et bien pris un sacré coup dans l’aile depuis son âge d’or de la fin des 80s, le fanzinat –qu’il traite de musique ou de BD- n’a jamais totalement disparu. Ce « Blackbird » de Pierre Maurel est même paru à l’origine sous forme de six fanzines, imprimés et agrafés à l’ancienne (oui, on sait, les nerds n’ont pas dû comprendre cette dernière phrase). Maurel se fout de toute façon de ne pas paraître de son temps. Son livre est le plus bel hommage qui soit au fanzinat et à la liberté d’expression. Dans un futur très proche (dans quelques années? dans quelques mois? demain?), une loi vient de tomber: le prix unique du livre est remis en question et l’auto-édition est désormais interdite. Comme d’habitude, la majorité des gens ne bronchent pas. La petite bande de potes qui alimente le fanzine Blackbird est perplexe et se demande si la fameuse loi sera véritablement appliquée. A l’évidence, oui. Emportés dans une spirale infernale, les fanzineux se retrouvent traqués par un état aux tentations totalitaires comme s’ils étaient devenus le symbole des problèmes de la société toute entière. Toute ressemblance avec une société existant ou ayant existé est purement fortuite, bien entendu. Maurel conduit ici une intelligente réflexion sur la liberté, sur l’amitié, sur les ambiguïtés du dessinateur. Entre anticipation et manifeste politique, « Blackbird » se révèle passionnant de bout en bout, même si sa fin laisse le lecteur sur un air d’inachevé. Si vous avez déjà posé le pied sur un skate, fouillé les bacs poussiéreux d’un disquaire et/ou feuilleté des fanzines qui étaient de véritable fuck-off aux règles élémentaires de la mise en page, vous possédez les dispositions naturelles pour adorer ce livre.

rupestres_couv« Rupestres »
David Prudhomme, Emmanuel Guibert, Pascal Rabaté, Troub’s, Marc-Antoine Mathieu et Etienne Davodeau
Futuropolis
19,5 x 26,5 cm
208 pages

www.futuropolis.fr
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Le projet paraît dingue et d’une évidence absolue en même temps: six dessinateurs sont partis à la rencontre des premiers hommes de l’Histoire à avoir couché sur la roche leurs visions du monde alentour. Pascal Rabaté, Marc-Antoine Mathieu, Etienne Davodeau, Troub’s, Emmanuel Guibert et David Prudhomme ont ainsi fait un bond de 30 000 ans en arrière en visitant plusieurs grottes ornées de l’époque du Paléolithique, en y dessinant eux aussi ce qu’ils voyaient/ressentaient, à la lueur de la bougie. De cette expérience hors du commun, les six hommes ont décidé de faire un livre, à part lui aussi. « Rupestres » n’est en effet pas une véritable bande dessinée. Le périple de nos explorateurs y est bien mis en cases, mais des textes et des croquis réalisés sur place lui donnent un statut bâtard, et donc fatalement plus intriguant. On se retrouve ainsi plongé au cœur même de l’acte de création, son pourquoi, son comment. En quoi avons-nous évolué? En quoi sommes-nous toujours les mêmes? « Rupestres » soulève probablement plus de questions qu’il n’apporte de réponse, mais n’est-ce pas une des fonction de l’Art? Les six auteurs ont eu l‘intelligence et l’humilité de créer un vrai travail collectif, s’échangeant souvent leurs outils, copiant la technique des uns et des autres, jusqu’à faire oublier qui a bien pu faire quoi. Les nombreuses pleines pages donnent la dimension de ce que la petite troupe a dû vivre dans ces cavernes gigantesques plongées dans l’obscurité et l’humidité. Magnifique!

un-amour-simple_couv« Un Amour Simple »
Bernard Grandjean
La Boîte à Bulles
14 x 20
256 pages

www.la-boite-a-bulles
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Nono et Lucy s’aiment à la folie. Comme tout ce qu’ils font d’ailleurs, puisqu’ils sont pensionnaires d’un centre d’hébergement pour personnes souffrant d’un handicap mental. Cette relation amoureuse et les petits rendez-vous cachés qui vont avec pimentent désormais le quotidien des deux tourtereaux, d’habitude seulement rythmé par la prise de médicaments et le travail en CAT. Un jour, Lucy dérobe un magazine dans un supermarché et le couple y voit des photos de la mer pour la première fois de leur vie. A partir de cet instant, ils n’ont plus qu’une idée en tête: aller à la mer. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Nono et Lucy ne manquent pas d’imagination pour parvenir à leurs fins. Bernard Grandjean signe un beau road-movie (un road-book?) au ton très juste, avec humour et délicatesse, mais sans pathos inutile, sur un monde qu’il connaît bien. On se laisse complètement embarquer sur la route avec Nono et Lucy sans se douter du dénouement qui nous attend. On referme ce livre en se rappelant la fameuse maxime de Blaise Pascal: « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ».

lhomme_squelette_couv« L’Homme Squelette »
Will Argunas &Tony Hillerman
Rivages/Casterman/Noir
18,5 x 26 cm
96 pages

www.casterman.com
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En 2008, les Editions Casterman ont lancé une nouvelle collection baptisée Rivages/Casterman/Noir avec pour but d’adapter graphiquement des polars sortis sur Rivages/Noir (chez qui les plus grands ont œuvré: James Ellroy, Jim Thompson, Elmore Leonard…). Bien sûr, comme c’est aussi le cas au cinéma, l’intérêt que vous porterez à ces adaptations est souvent conditionné par votre lecture ou non du roman original. Mais si vous découvrez l’œuvre par ce biais, vous passez plutôt un agréable moment en général. Cette fois-ci, c’est un roman de Tony Hillerman qu’on a confié aux bons soins du dessinateur Will Argunas. « L’Homme Squelette » est l’avant-dernier des dix-huit romans de l’auteur américain qui constituaient un cycle autour du personnage récurrent Joe Leaphorn, lieutenant de la police tribale Navajo. Et de l’avis de beaucoup de ses fans ce n’est également pas le meilleur de la série. Et c’est vrai que cette histoire de diamants volés, d’ossements à retrouver, etc. n’est pas forcément super crédible (condition sine qua non pour un polar bien prenant, non?). C’est dommage car Argunas n’a pas grand chose à se reprocher de son côté. Son dessin colle bien au récit et ses panoramas du Grand Canyon sont absolument sublimes. Sans être un plantage manifeste, « L’Homme Squelette » reste un polar assez tiède et il ne rend surtout pas justice au talent de Will Argunas dont le prochain album, prévu début 2012, fait partie des livres qu’on attend de pied ferme.

saint_etienne_couvSaint-Etienne – Lyon
B-Gnet
La Boîte à Bulles
19 x 26,5 cm
48 pages

www.la-boite-a-bulles
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Le dessin un peu simple et classique de B-Gnet ne doit pas vous méprendre: cet album est à lire absolument! Les dialogues sont très drôles, on s’est bidonné à chaque page sans exception. Et pour cause: B-Gnet a construit son livre en une suite de strips de trois cases qui donnent chacun naissance à un gag qu’on doit pouvoir lire indépendamment. Du coup, le procédé oblige à l’excellence dans la maîtrise du récit et l’efficacité du gag. L’histoire de départ est bien entendu un peu farfelue: dans un futur proche, une famille prend l’avion Saint-Etienne – Lyon (hey, c’est l’avenir, hein!) pour partir en vacances, mais le coucou se fait soudainement détourner par une bande de terroristes régionaux pas super fortiches. La mère –que sa famille avait « oubliée » (ooops!) à la maison- décide alors de tout faire pour sortir les siens de ce mauvais pas, malgré un cambrioleur un poil collant. Oui, on sait, dit comme ça, ça ressemble à un mauvais nanar. Sauf que B-Gnet s’amuse comme un petit fou et que son plaisir est très contagieux. On l’imagine super calé sur les Monty Python et sur les films des frères Zucker (la série « Y a-t-il…? »). Si c’est aussi votre tasse de thé humoristique, ce « Saint-Etienne – Lyon » devrait vite faire le tour de vos amis.

haarmann_couv« Haarmann le boucher de Hanovre »
Peer Meter & Isabel Kreitz
Casterman
17 x 24 cm
176 pages

www.casterman.com
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Puisqu’on parlait de « Y a-t-il un pilote dans l’avion? », vous vous souvenez sans doute de la réplique culte « Tu aimes les films sur les gladiateurs? » que Peter Graves assène à un garçonnet? Dans un prochain remake, il pourrait bien demander « Tu aimes les BD sur les serial killers allemands? ». Et on est en droit d’imaginer que Peer Meter répondrait par l’affirmative si on lui posait la question. L’auteur signe en effet un deuxième scénario sur la chose, après l’excellent « L’empoisonneuse » sur Gesche Gottfried en collaboration avec la dessinatrice Barbara Yelin (voir ici). Cette fois-ci illustré par Isabel Kreitz, « Haarmann le boucher de Hanovre » souffre malheureusement un peu de la comparaison avec son prédécesseur. Le dessin de Kreitz n’est pourtant absolument pas en cause, ses crayonnés en noir et blanc sont aussi fins que ceux de Yelin et s’accordent parfaitement avec l’ambiance glaciale du récit. Il faut dire que l’histoire de Fritz Haarmann donna des hauts le cœur à toute la ville de Hanovre au milieu des années 20. On ne vous en dira pas plus pour ne pas déflorer le suspense. Surtout qu’il y en a pas beaucoup. C’est d’ailleurs un peu ce qu’on reproche à cet album, ou en tout cas la raison pour laquelle on a préféré « L’empoisonneuse »: la narration de « Haarmann » est beaucoup plus classique, sans réel rebondissement. Plus que pour son intrigue, le livre vaut donc surtout pour sa plongée dans la société allemande d’après la première guerre, quand l’économie est exsangue et la population affamée.  Le terreau est par conséquent propice à tous les débordements, à tous les bas instincts. Haarmann est certes un monstre (le dossier en fin de livre en donne d’ailleurs quelques explications) mais quid de tous les autres qui ont plus ou moins consciemment laissé faire?

barcazza_couv« Barcazza »
Francesco Cattani
Atrabile
16 x 22 cm
120 Pages

www.atrabile.org
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Francesco Cattani est une énigme. Comment arrive-t-il avec un dessin aussi minimaliste et épuré à suggérer une image aussi détaillée. Ses vues plongeantes sur des lagons ou sur un simple plan de travail de cuisine laissent pantois de réalisme. Ses cases sont pourtant presque vides! Jamais le blanc des cases n’aura d’ailleurs joué un si grand rôle dans un récit étant donné que « Barcazza », son premier livre, se passe par une journée inondée d’un soleil aveuglant et étouffant. Difficile de toute façon de raconter davantage l’histoire puisqu’il ne se passe finalement pas grand chose au cours de ces 120 pages. On y croise quelques personnages dont on n’apprendra presque rien, si ce n’est qu’ils ont bien du mal à communiquer entre eux. Plusieurs scènes dérangeantes sont même totalement gratuites (comprendre: on n’en saura jamais les causes ni les conséquences). Pourtant, en plus du dessin absolument magnifique, Cattani parvient à instaurer un malaise et une tension qui vont crescendo tout au long du livre. On attend que l’orage éclate. Mais rien. On est donc forcément désarçonné par cette fin qui n’en pas une. Ca donne toujours la désagréable sensation d’être trop idiot pour comprendre ce qui s’est passé. « Barcazza » ne plaira donc peut-être pas à tout le monde. En revanche, tout le monde se doit de surveiller Francesco Cattani à l’avenir car on tient sans doute là un futur grand de la bande dessinée.

oursmalais_couv« Le salon de thé de l’Ours malais »
Davíd Rubín
Rackham
17 x 24 cm
184 pages

www.editions-rackham.com
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La couverture nous faisait un peu penser à « Quartier Western » (voir ici). Mais « Le salon de thé de l’Ours malais » de l’Espagnol Davíd Rubín n’a en fait pas grand chose à voir avec le livre de Téhem, si ce n’est quelques caractères animaliers et un lieu central qui fait le lien entre tous les protagonistes. Chaque personnage principal de ces histoires indépendantes –parues à l’origine dans la presse spécialisée ibérique- passe en effet à un moment ou à un autre par le salon de thé de l’ours Sigfrido. Et là, devant une tisane un peu magique ou une liqueur de café, les langue se délient et les souvenirs remontent à la surface. Sigfrido voit ainsi passer toute une galerie de personnages cabossés: un super-héros déprimé, un ancien combattant reconnaissant, un tueur possédé, un père et sa fille en cavale, un hippopotame veuf, un amant éconduit… On ne vous mentira pas, on n’a pas forcément accroché avec toutes les histoires. Mais quand la sauce prend, c’est un vrai régal de poésie. On sent que l’auteur veut y sublimer ses obsessions macabres (il est beaucoup question de deuil, de suicide…) et plusieurs de ces fables laissent le lecteur sur une jolie leçon de vie, un peu comme des versions non-édulcorées de contes pour enfants. Visuellement, le noir et blanc semblait une évidence. Rubín a beau avoir retravaillé chaque histoire pour créer une unité de style, son trait change beaucoup en fonction de l’histoire racontée. On peut passer d’un trait clair assez naïf à des cases tourmentées qui rappellent le travail de Frank Miller. Là encore, on a la sensation que ce livre n’est qu’un aperçu de ce que pourra offrir l’auteur à l’avenir. Commencez dès à présent à faire de la place dans les étagères de votre bibliothèque.

Bonne lecture et au mois prochain!


1 Commentaire
  • Trebeshka
    Posté à 14:34h, 17 juin Répondre

    Eh Kalcha t’as bouffé des graines blindées en Eceh ou quoi? On est le 17 nom de dieu! Enfin en même temps je suis pas pressé, juste envie de faire le relou de service.
    Bon rétablissement, et gaffe aux steaks Lidl.

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