R.A. The Rugged Man, vétéran sans langue de bois

R.A. The Rugged Man, vétéran sans langue de bois

Après des conflits et déceptions avec des maisons de disque, R.A. The Rugged Man a finalement construit sa carrière dans l’underground new-yorkais. Erratique, mal luné, impulsif, le rapper cinéphile a réussi à trouver aujourd’hui une certaine forme de stabilité et de reconnaissance. Ici, dans une interview réalisée il y a un peu moins d’un an, il nous parle de son admiration pour Rakim, de sa rencontre avec Biggie, de ses galères avec les labels, de son père et de Stanley Kubrick, mais pas seulement…

LONG ISLAND

C’est le plus grand empire du Hip-Hop des années 80. Si tu remontes aux années 70, c’est le Bronx qui a lancé le mouvement puis, à un moment donné des 80’s, le Queens a commencé à très bien se débrouiller avec Run-Dmc et LL Cool J. Après ça, Long Island s’est emparé de la planète entière. C’est grâce à Rakim, il était le plus grand parolier du rap sur Terre, une force intouchable en provenance de Wyandanch, Long Island. Et puis il y a eu Chuck D et Flavor Flav, EPMD, Busta Rhymes, De La Soul, Prince Paul… On a tout changé. Tout ce truc de NWA n’existerait pas aujourd’hui sans le Bomb Squad. Long Island a tout changé. Je pense qu’on était tellement paumé dans la banlieue que l’on voulait prouver au monde qu’on pouvait faire partie du mouvement, que – comme Kool Moe Dee ou Doug E Fresh – on n’a pas forcément besoin d’être du nord de Manhattan , qu’on n’a pas forcément besoin de venir du South Bronx. Ca revient à ce que disait Rakim : ‘Ce n’est pas d’où tu viens qui compte, c’est où tu te trouves‘.

BIG DADDY KANE

C’est un des cinq meilleurs Mcs de l’Histoire. Il écrit super bien, et il faisait des disques géniaux à ses débuts. Il a une des voix les plus fortes et un des flows les plus cools. Cette façon qu’il a de se poser sur un beat ! Lui aussi, c’est une force intouchable. Il met le feu aux scènes depuis les années 80, même aujourd’hui encore. Big Daddy Kane déclasse n’importe qui en concert. Il fait partie d’une élite de Mcs, il n’y en pas beaucoup qui sont aussi bons que lui.

THE NOTORIOUS B.I.G.

En studio, il y avait un rapper qui s’appelait Red Hot Lover Tone. Il avait un style à la Grand Puba, et il avait rappé sur un album de Chubb Rock. Il faisait partie d’un groupe qui a fini par devenir l’équipe de producteurs mainstream les Trackmasterz, mais ils ont commencé avec du rap de rue, en travaillant avec Kool G Rap, en produisant ‘How Did You Get A Record Deal ?’ pour Big Daddy Kane, et avec Chubb Rock sur l’album ‘I gotta Get Mine Yo !’. J’étais avec Tone, lui était avec B.I.G, et c’est comme ça qu’on s’est connu. Biggie était l’un des nôtres. Il faut se souvenir que Biggie est mort jeune, il avait 24 ans. Quand je traînais avec lui, j’en avais 18, lui devait en avoir 19 ou 20 à peu près. Il était un plus âgé que moi, c’était mon aîné, et il était un peu plus mature que moi donc il me donnait des conseils. Akinyele, Red Lover Tone et moi, on était juste nous-mêmes, mais Puffy savait comment mettre en avant un artiste et permettre au reste du monde d’apprécier le talent de Notorious B.I.G.

D&D STUDIO

Je me souviens que c’était un endroit où tu enregistrais quand tu n’avais pas de budget, c’était précaire. Beaucoup d’entre nous aimaient aller à Big Boards, Sound Studio, Battery studio et Soundtrack studio, ou Tommy Uzzo Music Palace. D&D, c’était un endroit abordable financièrement, c’est pour ça que tellement de rappers talentueux qui venaient de la rue y étaient. Ils nous facturaient 50/60$ de moins par heure que les autres studios. J’enregistrais plus souvent au D&D après mon deuxième contrat. Pour le premier, j’avais un gros budget, j’enregistrais dans les beaux studios. D&D, c’était : ‘Oh merde, je galère‘.

METHOD MAN, DEF JAM, ET LES CONFLITS AVEC LES MAISONS DE DISQUE

Je me suis fait black-listé, tout le monde avait peur de moi. Method Man est juste celui qui a raconté l’histoire en direct (voir la vidéo ici) vu qu’il voulait m’inviter sur son disque mais que Def Jam était contre. Même si tous les artistes traînaient avec R.A. dans la rue, les labels avaient beaucoup de pouvoir à cette époque : si tu ne produisais pas les disques qu’ils attendait de toi, ils ne faisaient pas de promo. Ca, c’était avant l’internet, quand je pouvais faire n’importe quelle chanson, la mettre en avant tout en sachant que les fans allaient aimer. Quand j’étais chez Jive, j’avais dit que je voulais faire un morceau avec Kool G Rap et Akinyele. Le label m’a dit ‘Hors de question ! Qui va acheter ça ?‘. Chez Priority Records, j’avais un beat qui sonnait West Coast donc je leur ai dit : ‘Vous savez ce qui serait mortel ? Ce serait de réunir Mc Ren et G Rap sur un beat gangster ! Essayons ça !‘. Ils m’ont répondu : ‘Putain qui ça ? Personne n’écoute MC Ren désormais‘. Ils voulaient vous empêcher de faire les disques qui ne rentraient pas dans leur petit puzzle. Toujours sur le même label, il y avait un artiste qui s’appelait Jt Money. Il avait un gros hit à l’époque, avec un refrain très accrocheur. Priority voulait qu’il fasse un refrain sur un de mes morceaux. mais je trouvais que ça ne collait pas trop avec mon projet. Le label a donc rebondi en me disant : ‘Tu sais quoi ? Faisons une collaboration No Limit Records avec RA The Rugged Man‘. Ils m’ont donc emmené voir Master P qui m’a dit : ‘Ok, je peux te mettre en avant mais il faut que tu fasses une prestation plus policée‘…

RAWKUS

Je n’ai jamais été signé chez Rawkus, je leurs vendais juste des morceaux. Je ne les aimais pas en tant que label, parce que c’était un label indépendant, et c’est ce que les gens aimaient chez eux. Ils disaient ‘Oh ce sont ces mecs cools qui laissent les rappers underground faire ce qu’ils veulent‘, mais c’était une façade. Ils ne laissaient aucun des rappers indés faire ce qu’ils voulaient. Le label se comportait comme une major alors qu’il n’était pas censé en être une.

FILMS FAVORIS SUR LA GUERRE DU VIETNAM

J’aime beaucoup ‘Full Metal Jacket’. J’aime aussi ‘Apocalypse Now’ mais mon père (un vétéran de la guerre du Vietnam, désormais décédé) me disait que ça ne ressemblait en rien à la guerre qu’il a connu, donc il ne l’a pas aimé. Mais, même s’il manque d’authenticité, je l’aime pour ce qu’il est : une fantaisie, un film très bien fait. J’aime le personnage du colonel Kurtz joué par Marlon Brando.

STANLEY KUBRICK

La raison pour laquelle j’ai intitulé un de mes morceaux ‘Stanley Kubrick’, c’est parce qu’au début du titre, je ne faisais que parler : ‘Boom boom, tu sens la ligne de basse Cap ?‘ (Cap était le producteur du titre). Puis je disais : ‘C’est comme un truc à la 2001 l’Odyssée de l’Espace, Stanley Kubrick, ce genre de merde‘. Et je crois que Rawkus a enlevé cette petite partie. Stanley Kubrick était déjà hautement adulé quand je suis né. Ce qui est bien avec son cinéma, c’est que c’est accessible. Un jeune ado peut mater et aimer ‘The Shinning’, ‘Orange Mécanique’, ‘Full Metal Jacket’ ou ‘2001’, pendant qu’un adulte peut aussi les regarder, les trouver profonds, instructifs et stylés. Donc ça marche de différentes façons. C’est pour ça qu’il a tellement de fans ! Quand tu grandis, tu vois toutes ces choses dans ses films que tu ne voyais pas quand tu avais 10 ans.

Merci à RetroFuture.

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