Montero, une vie à l’encre délébile

Montero, une vie à l’encre délébile

Initialement connu pour ses talents de dessinateur, Montero était en tournée en novembre dernier en compagnie de Mac Demarco afin de présenter son album Performer, à paraître ce 2 février sur le label Chapter Music. C’est avant son concert lillois, à l’Aeronef, que nous avons saisi l’occasion de poser quelques questions à cet artiste australien qui a pour habitude de ne jamais se retourner sur son passé, de vivre pleinement l’instant présent pour mieux appréhender l’inconnu du lendemain.

Tu accompagnes Mac DeMarco tout au long du mois de novembre sur sa tournée européenne qui a commencé en Allemagne il y a quelques jours. Comment se passe ce début de tournée jusqu’ici ?

B.Montero : Ça se passe vraiment bien ! Le public a été très accueillant et réceptif, ça a été vraiment spécial jusqu’ici. Tourner avec Mac DeMarco est vraiment incroyable. Je ne sais pas comment lui et ses musiciens font : on doit tourner ensemble pendant un mois, ça ne fait que trois jours et j’ai déjà l’impression d’avoir vieilli de cent ans (rires). La date à Berlin a été particulièrement dingue. Mais oui, ça demande beaucoup d’énergie !

Tu avais déjà collaboré avec lui pour différents artworks. Comment s’est passée votre rencontre?

En fait, je l’ai rencontré en Pologne lors d’un festival. Mon pote Jay Watson jouait là-bas avec son groupe Tame Impala, et du coup j’ai pu le rencontrer en backstage. C’était la première fois qu’on se voyait vraiment. Mais avant ça, j’ai rencontré Jay ! On a habité ensemble en coloc et, du coup, on est de très bons amis. À l’époque, j’écoutais les albums de Mac DeMarco et je lui disais, ‘Mon dieu, tu connais ce mec ? Ses albums sont incroyables !‘. Bref, Jay a fini par dire à Mac que je lui avais dit ça, et de fil en aiguille on a fini par faire de plus en plus de trucs. On s’est envoyé quelques textos bourrés, et voilà l’affaire (rires). Mais ouais, je suis très reconnaissant d’avoir pu faire ça.

Ton album a été enregistré à Londres dans les studios de Mark Ronson. Peux-tu nous dire quelques mots sur l’enregistrement ? Comment as-tu atterri chez lui ?

C’est encore une fois grâce à Jay. À l’époque, on s’envoyait régulièrement des titres par mail, en rapport avec l’album, et je lui ai dit qu’à un moment donné, ça serait bien de se voir pour faire le point. Quelques jours plus tard, je faisais de la randonnée en Espagne, et j’ai reçu un coup de fil de Jay me disant ‘j’ai dix jours de dispo dans le studio de Mark Ronson !‘. Sur le moment, je croyais qu’il me parlait de Mick Ronson du groupe de David Bowie (Spiders from Mars), et je trouvais l’idée super cool. J’ai dû checker de quel Ronson on parlait, et puis j’ai pris tout de suite un avion pour Londres, où on est resté environ dix jours. On a fait l’enregistrement, moi au piano, lui à la batterie, et on a complété le reste en partant de là. J’ai un peu fait en sorte que Jay fasse également les autres instruments. Je veux dire, je peux les jouer, mais lui est vraiment très bon et très rapide. Et on avait besoin de faire fissa. Il y avait cette ambiance, avec tous les disques d’or d’Amy Winehouse sur les murs, c’était dingue ! Mais je sentais qu’à tout moment quelqu’un allait débarquer dans le studio et nous dire ‘Putain mais qu’est ce que vous foutez ? Barrez-vous d’ici !‘ (rires).

Avant d’enregistrer cet album, tu as beaucoup joué dans les alentours de Melbourne. Quel est selon toi l’ingrédient du succès de la scène australienne actuelle ?

Je ne sais pas vraiment… Tu me parles de Melbourne, mais je pense qu’il y a également un truc sur la ville peut être plus lointaine et isolée qu’est Perth. On y a vécu avec Jay comme si nous avions trouvé notre petit coin de paradis. Mais je ne connais pas vraiment l’ingrédient de tout ce succès. Je veux dire, j’ai 40 ans maintenant, et j’ai déjà joué dans pas mal de groupes, j’ai vu des trucs être à la mode puis passer… J’aimais bien les Vines aussi. Mais ouais, il y a sûrement quelque chose de spécial aujourd’hui. Mais en fait, je n’écoute pas vraiment de groupes indés. J’écoute surtout des groupes des années 70, du jazz… Je suis aussi pote avec les gars de Pond; je leur ai dessiné la pochette de leur album  Man It Feels Like Space Again. J’imagine que lorsque tu collabores avec un artiste dans n’importe quel aspect de sa création, tu réalises à quel point il est bon, dans un sens spécial. Je suis vraiment reconnaissant d’avoir pu faire ça, avec ces gens-là en particulier. Car en faisant ce travail de collaboration, tu peux te sentir détaché de tout ça, être cynique, ne pas écouter vraiment la musique, oublier ce que ça fait d’écouter de la musique quand tu as quinze piges. Tu vois ce que je veux dire ? Courtney Barnett qui fait son truc pour elle, avec son propre label, ça me permet de continuer à ressentir les choses avec une certaine fraîcheur, comme je le faisais à l’âge de 15 ans. Mais sinon oui je suis fier de ce que l’Australie produit en ce moment, c’est vraiment bien !

As-tu prévu des collaborations avec d’autres artistes australiens dans un futur proche ?

Pas vraiment non, je ne suis pas un bon collaborateur musical. Je suis bon à ce que je fais là, maintenant. Mais c’est déjà ça. Le truc, c’est qu’après des années à jouer dans des groupes ‘démocratiques’, j’avais juste besoin de faire ce que je voulais complètement. Là je sens que je suis plus à l’aise et plus heureux. Je ne serais pas à l’aise en offrant mon aide à quelqu’un d’autre. J’aurais peur d’influer sur sa propre vision artistique, qui est très sincère.

Parallèlement à ta carrière musicale, tu es également connu pour tes talents de dessinateur. Tu as notamment exposé tes œuvres à Londres l’année dernière. Tu as collaboré avec Ariel Pink, Kurt Vile, Connor Mockasin, ou encore Pond, entre autres. Te considères-tu davantage comme musicien ou comme illustrateur ?

Je ne sais pas trop… En fait, je ne pensais pas que cet album sortirait un jour, alors tu vois… Dans le même temps, mes dessins marchaient plutôt bien ces derniers temps. Avec ce disque, les gens qui connaissent mes illustrations ont l’opportunité d’aller également vers ma musique. Du coup, je ne sais pas, les deux j’imagine. Je pense à la musique comme quelque chose de complémentaire. J’aime bien cette tournée, je rencontre des gens tous les soirs, je me marre bien. Tant que c’est marrant, que c’est naturel… C’est ça que j’ai envie de faire, je m’en fous de ce que je suis officiellement (rires). Mais je ne me considère pas vraiment comme un musicien, plus comme un chanteur pop. Mais on verra comment se passe la tournée : si je suis trop crevé, je préférerai peut être rester à la maison avec mes chats, et juste dessiner.

Dans tes illustrations, tu sembles puiser ton inspiration dans un univers aussi bien psychédélique qu’enfantin. En est-il de même avec ta musique ?

C’est une bonne question… Psychédélique et enfantin, c’est tout moi ça ! Oui, je pense que c’est l’univers que j’ai envie d’approcher en musique. Quand tu es petit, tu as en quelque sorte un regard flou sur ce qui t’entoure. Et la musique est déjà à moitié présente en toi. Tu meurs d’envie d’avoir ne serait-ce qu’un petit bout de réalité, de t’évader de pas mal de choses, des gens qui te gueulent dessus, ou de ceux qui veulent t’emmerder. J’espère être en phase avec cet état d’esprit. Je ne prends plus de drogues psychédéliques, mais j’adore toujours la culture psyché : tout ce qui en ressort, les couleurs, les formes… J’aime tout de cette culture (rires). Le meilleur dans tout ça, c’est que tout est drôle dans cet univers. Ca ne veut pas dire que tu dois prendre de la drogue, juste que tu dois t’amuser.

J’ai lu que tu avais énormément voyagé (Athènes, New York, Austin…). T’es tu posé à un endroit fixe ces derniers temps ? Entretiens-tu toujours un lien étroit avec ta ville d’origine, Melbourne ?

Oui je me suis installé en Grèce, à Athènes. Mais ce n’est pas un truc de hippie, je n’ai pas genre ‘quitté l’Australie’, fuyant ma vie pour me retrouver intérieurement ou je ne sais quoi. J’ai atterri un jour à Athènes, j’ai rencontré ces gars le premier soir (pointant ses musiciens). Je suis tombé amoureux d’eux et de la culture locale, et puis l’Australie était tellement loin… Là-bas, les gens sont vraiment très Australiens, tu vois ce que je veux dire ? Et c’est bien, mais j’étais à un moment de ma vie où je rejetais tout ça, j’en avais vraiment marre… C’est comme quand tu es gamin et que tu habites un petit village, tu penses naturellement à migrer vers de plus grosses villes. C’est une évolution naturelle. Et bien moi, j’ai eu la sensation que cette évolution est apparue plus tard dans ma vie, je n’avais plus envie de me sentir Australien. J’ai grandi à Melbourne, dans une grande ville, et j’ai une grosse connexion avec cette ville. Ma famille aussi. Mais ça a beaucoup changé, et j’avais besoin de m’enfuir. Mais quitter un endroit te fait réaliser combien tu l’aimes. J’aime Melbourne, j’aime l’Australie, j’y retournerai un jour.

Avant cet album, tu as joué dans différents groupes (notamment Early Woman) en tant que bassiste, guitariste ou synthé. Cette tournée est-elle pour toi l’occasion de retrouver quelques-uns de tes anciens amis musiciens ?

En fait, j’ai rencontré tous mes musiciens actuels à Athènes. Ils sont tous grecs. Je n’aime pas vraiment regarder en arrière, j’aime aller de l’avant et regarder les choses dans le bon sens. Tu ne brûles pas ce qui est derrière toi, tu enrichies ton expérience. Tu ajoutes tes propres couleurs, et tu vas de l’avant. Je verrai bien où ça me mène, je ne sais pas trop, je m’en fous en fait, mais je m’en fous dans un bon sens ! En tout cas, sur cette tournée, nous sommes six sur scène : moi au chant, un guitariste, un bassiste, et deux synthés. Mais tu sais, tout dépend de comment tu veux te sentir à l’aise. Là, je suis un peu constamment dans un état où je ne sais pas trop ce qui va se passer, et c’est très bien comme ça. Jusqu’ici, tout s’est passé d’une façon assez fantastique. Dans deux jours, on va jouer à Paris, à l’Olympia, j’ai entendu dire que la salle était magnifique. Serge Gainsbourg, il a joué là bas, non ? Cool, Serge Gainsbourg, Jimi Hendrix, bientôt Montero… Que les plus grands (rires).

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