La Caution paye l’apéro

La Caution paye l’apéro

Dix ans après leur début remarqué chez Assassin Productions, les deux frères de La Caution – épaulés par Dj Fab – devraient profiter de 2009 pour infliger un troisième électrochoc au rap français, et accessoirement lui baliser le parcours pour les quelques années à venir. Lors d’une récente entrevue à Rennes, Nikkfurie a accepté de lever une partie du voile sur l’heureux successeur du traumatique “Peines De Maures/Arc-En-Ciel Pour Daltoniens”.

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Votre actualité la plus récente est la présentation d’une émission hebdomadaire sur Le Mouv’,  comment s’est faite la connexion avec “la radio à l’esprit Rock”?

Nikkfurie: On connait Hervé Riesen depuis pas mal de temps déjà, on savait qu’il appréciait notre musique à l’époque où il était en poste à Radio France – je crois que c’était à France Inter – et par la suite on a eu l’occasion de le croiser plusieurs fois, notamment quand il travaillait pour la Radio Suisse Romande. On a fini par devenir amis et il a pensé à nous quand il a pris la tête du Mouv’. Il connaissait notre penchant pour plein de styles de musiques différents et notamment nos goûts crossover entre le Rock, l’Electro, le Hip-Hop et même la pop la plus simple possible. Il a pris le pari de nous donner deux heures d’antenne pour faire une émission généraliste dans le bon sens du terme, c’est à dire une émission dans laquelle on essaie de passer le plus de bons trucs de différentes vibes. Alors qu’en général les radios font plutôt appel aux gens du rock ou de la pop pour passer un peu de rap de temps en temps, là c’est l’inverse, il a choisit de prendre le contre-pied et c’est aussi ce challenge qui nous a motivé. On aurait pas signé pour une émission strictement Rap en sachant qu’il en existe déjà plusieurs, que celle de Fab sur Générations nous parait être la meilleure et la plus pointue en rap américain (tous les samedis de 20h à 22h en compagnie de Dj Kozi ndlr). On aurait fait sensiblement la même, or là, on nous donne l’occasion de jouer autant de trucs funs que deeps, de Vanessa Paradis à Aphex Twin en passant par Blackalicious. On a carte blanche et on est super contents parce que ça marche plutôt bien, on reçoit plein de messages de gens qui aiment être surpris par l’éclectisme de l’émission et qui apprécient le fait qu’on évite le monocorde pour donner du relief à ce qu’on joue.

Vous travaillez également sur votre troisième album, qu’est-ce que tu peux d’ores et déjà nous dire à son sujet?

N: On est hyper pressés de revenir avec une nouvelle galette mais, dans le meilleur des cas, ça sortira à la rentrée prochaine, et plus vraisemblablement pour la fin de cette année. Les deux cents dates de la dernière tournée nous ont mis en retard et – comme d’habitude – la sortie du prochain album risque d’être assez espacée. Mais ceci dit, et sans vouloir faire de fausse modestie, je pense que les gens sont conscients du fait qu’on ne sort pas un album uniquement pour rigoler, que le disque est aussi là pour durer et que tu pourras le découvrir une première fois avant de capter des trucs à la deuxième, troisième, dixième écoute. On essaie à chaque fois d’allier l’intéressant et le ludique et c’est sûrement ce qui explique la longévité de nos disques. Le prochain ne fera pas exception à la règle.

On peut également s’attendre à un double album?

N: C’est possible.

La pression que vous ressentez aujourd’hui est-elle comparable à celle qui précédait la sortie de votre deuxième album?

N: C’est encore pire pour celui là! D’abord parce qu’on a jamais autant tourné qu’après “Peines De Maures/Arc-En-Ciel…”, et ensuite parce que l’album contenait un tube, “Thé A La Menthe”, qu’à peu près tout le monde connaît. Du coup, on se met la pression en se disant qu’il faudrait réussir à refaire une sorte de “tube”, un titre qui serve de locomotive pour le reste de l’album. En règle générale, les gens n’ont pas une approche pointue de la musique et ils ont besoin de ces repères, ce qui tombe plutôt bien parce que c’est le genre de crossover qu’on a toujours eu en nous je crois. Si tu prends notre premier maxi, “Les Rues Electriques”, c’était un titre assez dansant qui est devenu un petit hit underground, alors que pour nous c’était la face B qui devait faire office de morceau underground (“Une Tour Devant L’Arc En Ciel” ndlr)! A force d’avoir une vision tellement soupe du easy-listening, on a vite fait de se retrouver catalogués underground, spé ou alternatif. Et plus ça va, moins il y a de qualité dans la musique actuelle. Alors si être alternatif ça veut dire faire de la bonne musique, je suis content que La Caution soit classée là-dedans.

A la différence d’un groupe comme TTC qui assume et même revendique son côté pop…

N: Nous, on n’a pas la prétention de faire de la pop mais simplement du Hip-Hop, en tout cas tel qu’il se pratiquait à l’origine, c’est-à-dire en cannibalisant un peu tous les styles pour créer quelque chose de nouveau. On s’inscrit dans cette continuité et c’est pour ça qu’on apprécie la créativité de l’électro actuelle, c’est une musique qui s’approprie plein de codes de composition Hip-Hop pour aller super loin. De notre côté on estime juste faire du Hip-Hop comme on sait en faire.

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Même si vous avez toujours nié écrire vos couplets pour coller à des thématiques précises, quels sont les sujets qui vous inspirent pour cet cet album?

N: Tout nous inspire donc on retrouvera à la fois des titres “sociaux”, d’autres plus club, d’autres encore qui parlent de meufs etc. Mais le format du “thème” a proprement parlé – c’est-à-dire construit sur l’articulation thèse/refrain, thèse/refrain, thèse/refrain – ne nous a jamais convenu parce qu’il ne laisse aucune place à des trucs complètement cons, hors sujet, qui pourtant font du bien à la musique. On évite au maximum de s’enfermer dans une thématique trop basée sur le sens, et on le fait d’autant plus sciemment qu’aujourd’hui le “sens” se réduit à des lieux communs explicités, à des gens qui te disent “je dis quelque chose”. Je me souviens qu’à l’époque où j’écoutais de la Soul, du Funk ou de la musique arabe, même si j’étais trop petit pour comprendre les subtilités de la langue, je comprenais la vibe qui s’en dégageait et je n’avais pas besoin qu’on vienne me dire de quoi ça parlait exactement. Mâcher le travail aux auditeurs en disant “je viens du quartier, c’est la merde et c’est de la faute de l’Etat”, ça va un temps. Quelqu’un d’autre peut le faire mieux que nous, alors si on peut écrire des trucs plus “difficiles”, on ne va pas s’en priver.

Est-ce qu’au niveau de la production, il y a quand même des choses qui retiennent ton attention plus que d’autres dans ce qui se fait actuellement?

N: Même si je trouve qu’il y a plein de titres qui sont des tueries et qui fonctionnement parfaitement en soirée, j’aime moyennement le vague Dirty South. En règle générale, j’aime un courant musical pour la profondeur de certains de ses artistes, or c’est quelque chose que je ne retrouve pas dans le Dirty South. Tu vas danser, ça va bien tourner dans ta voiture et c’est très bien, mais disons que je préfère essayer de faire passer des émotions musicalement sans pour autant que ce soit trop appuyé, sans que tu aies absolument besoin d’écouter les paroles pour comprendre où on a voulu en venir. Et c’est vrai que pour ça le Dirty South…

Je pensais plus à des inspirations en dehors du rap…

N: Pas vraiment, dans le sens ou je suis surtout inspiré parce ce que j’ai pu écouter quand j’avais entre neuf et seize ans. Par exemple – et même si c’est un peu prétentieux de dire ça – je reprenais de la New Wave bien avant que la vague déferle en 1995. J’avais déjà samplé des trucs pop de Cyndi Lauper à une époque où les gens ne comprenaient pas que je puisse aller vers ces trucs là, pareil avec la Country. J’ai toujours trouvé des inspirations de fou dans la Country et tout le monde me prenait pour un psychopathe d’en écouter. Sauf qu’aujourd’hui, tu te rends compte que plein de trucs sont influencés par la Country, et pas uniquement par  Johnny Cash. Ça fait partie des musiques sur lesquelles je suis tombé par hasard entre neuf et seize ans et qui m’inspirent encore aujourd’hui. J’évite de chercher des sources d’inspiration ailleurs parce ce que se serait courir le risque de ne pas réussir à en faire quelque chose de personnel, et je pense que se serait moins bien.

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Si on peut s’attendre à quelques apparitions des Cautionneurs au grand complet, est-ce que d’autres collaborations sont prévues pour cet album?

Dj Fab: Les Cautionneurs, c’est normal, on est très proche d’eux, mais notre délire c’est vraiment de faire un album de La Caution, pas de ressortir une compilation avec plein de gens comme sur “Des Gens Revisitent La Caution”.
N: Disons qu’on évite de prévoir le featuring. Le morceau se construit au fur et à mesure, en brodant un peu, et on ne peut pas penser à l’avance à inviter quelqu’un. On le fait éventuellement une fois que la direction est trouvée, mais ce n’est jamais une priorité.

Est-ce qu’on doit en déduire que des projets annexes comme l’Armée Des Douze sont morts et enterrés?

N: L’Armée Des Douze, pourquoi pas. Chaque fois qu’on recroise les membres de TTC, on a une pensée nostalgique pour ce disque, on se dit qu’avec on a placé quelque chose dans la petite histoire. Même si l’album n’a pas forcément été compris à l’époque de sa sortie, aujourd’hui plein de gens continuent de le découvrir via Internet parce que c’est un truc sans époque. On trouve ça vachement bien, et c’est toujours excitant de repartir sur ce genre de projets. Mais là, honnêtement, avec les emplois du temps de chacun, les scènes, le solo d’untel… C’est pas une priorité même si on a tous envie de se réunir en studio.

Qu’est-ce que ça vous fait de retrouver Rockin Squat’ sur scène dans quelques jours (en première partie de son concert à l’Olympia)?

Dj Fab: Squat’ a toujours été un ami avant tout, donc on a aucun problème avec lui, il nous renvoie la balle, et j’espère qu’un jour on pourra faire pareil et qu’il acceptera. Ça nous permet de remettre le pied à l’étrier, et aussi de rester en contact avec lui, même si on a l’habitude de s’envoyer des mails.
N: A l’époque où on était chez Assassin Productions, on appréciait le fait que ce soit un groupe et un  label chargés d’histoire qui nous mette le pied à l’étrier, et d’autant plus qu’à l’intérieur personne ne se sentait supérieur ou inférieur vis-à-vis d’un autre. Tout s’est passé très sainement et c’est sûrement ce qui explique qu’on continue de se fréquenter de temps en temps.

Quels sont les autres projets en cours de votre label Kerozen Music?

N: Même si en parallèle il y a des trucs comme Maison Closed, Ghost Company ou encore Saphir qui bosse aussi des titres, le projet quasi monomaniaque du label c’est l’album de La Caution. Le reste sortira en temps voulu mais pour l’instant, c’est le troisième album de La Caution qui nous tient à coeur. Kerozen est surtout là pour servir de vitrine au groupe, on n’est pas un label au sens maison de disque du terme, on ne signe pas d’artistes.

Maison Closed qui est ton projet solo d’electro instrumental.

N: Voilà. Mais encore une fois, quand tu travailles sur un truc, tu travailles en même temps sur l’autre, chaque chose finit par rejaillir sur les projets annexes. Donc on verra comment ça se goupille pour Maison Closed et pour le reste, mais tout ça ne sortira que quand j’aurai vraiment pris le temps de m’y consacrer pleinement, je ne veux pas que ça passe inaperçu.

Est-ce qu’à l’avenir on peut s’attendre à d’autres collaborations un peu plus poussées, comme celle qui avait donné naissance au “Crash Test EP” avec Château Flight?

N: A priori non parce que le prochain album nous demande déjà beaucoup de travail et qu’à côté de ça, on a plusieurs cordes à notre arc: le label, les concerts, la radio… Si on avait encore un autre projet, ça commencerait à devenir difficile à gérer. Mais ceci dit, c’est le genre d’expériences auxquelles on apprécie de participer, d’autant plus qu’avec Château Flight, rien n’avait été prémédité. On s’est croisés plusieurs fois en soirées, le courant artistique et humain est passé donc on s’est dit pourquoi ne pas faire un truc ensemble. Ça partait vraiment d’un truc très spontané et si l’occasion se représente, on ne se privera pas.


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10 Commentaires
  • Karina
    Posté à 19:17h, 11 juillet Répondre

    “En règle générale, les gens n’ont pas une approche pointue de la musique et ils ont besoin de ces repères, ce qui tombe plutôt bien parce que c’est le genre de crossover qu’on a toujours eu en nous je crois”. FAUDRAIT arreter de prendre les gens pour des cons a part si Nikk Furie pense que les auditeurs de la Caution sont des gros beaufs ? Autrement ca m etonnerait vraiment que ce gars écoute de la country depuis l age de 9 Ans. Enfin bref, vive la Caution, j espere que le prochain album sera pas comme celui de leurs potes TTC.

  • Jibouzinho
    Posté à 12:58h, 17 juillet Répondre

    Karina -> Au contraire je trouve que Nikkfurie a parfaitement raison de définir l’auditeur moyen comme cela. La majorité des gens fonctionne au hit, consomment plus vite qu’ils ne s’attardent sur les morceaux un plus durs d’accès… C’est pas pour autant qu’il prend les gens pour des cons, faut arrêter d’extrapoler.

    Sinon, un peu déçu par l’interview parce qu’au final on n’en apprend pas beaucoup plus que ce qu’on ne savait déjà… Mais il faut dire que les questions étaient assez attendues et visaient surtout à leur faire cracher le morceau sur ce que les gonzes concoctaient précisément pour le prochain album…

  • TiBal
    Posté à 17:45h, 20 juillet Répondre

    Chatea Flight & La Caution : Crashtest EP
    Un disque vraiment mortel
    A écouter absolument, pour ceux qui ne l’ont pas encore entendu !

    • Deuf
      Posté à 13:59h, 24 juillet Répondre

      Ca c’est clair ! crash test: une enorme claque quand s’est sorti

  • n0rman
    Posté à 13:16h, 25 juillet Répondre

    Je suis content que le 3ème album de la caution mette autant de temps à sortir.. C’est devient super rare des artistes qui prennent le temps de peaufiner leur album plutôt que de les sortir à la chaine pour faire max tunes…
    Pourquoi remettre en doute le fait que Nikk écoutait de la Country à 9ans ?
    Il y a du bon dans chaque style de musique… (Même si perso, je ne suis pas du tout branché Country)
    Et pour ce qui est de “prendre les gens pour des cons”, Jibouzinho a très bien répondu 🙂
    P£@c£ ! Vivement ce 3ème album tout de même !

  • Akiff
    Posté à 00:56h, 26 juillet Répondre

    Pourquoi ai-je l’impression que les photos de Hi-Tekk et Nikkfurie qu’on voit là sont extraites de celles qui accompagneront le prochain album ?

    • Buk
      Posté à 15:57h, 11 octobre Répondre

      Non elles viennent du Shoes-Up n°20 – le dernier de 2008 – “Noir is a new Black”. Sinon peut-être un double album !

  • 2ben
    Posté à 15:06h, 28 juillet Répondre

    Ouais, toujours sympa de lire ce qu’ils ont a dire!
    Meme si on preferera forcement écouter ce qu’ils on a nous dire…
    Ils ont bien raison de prendre tout leur tps, les gallettes de qualité en demandent bcp!
    Merci pour cette interview…
    @+

  • Gilles
    Posté à 05:34h, 02 août Répondre

    J’attends ça avec impatience…et au fait “de 9 à 16 ans” ça inclut 13,14,15,16 pas nécessairement 9 🙂

  • Damien
    Posté à 06:43h, 24 août Répondre

    La Caution c’est juste énorme, les mecs sont trop loin, j’attends impatiemment . 🙂

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