Interview – Son Lux, solitaire mais heureux

Interview – Son Lux, solitaire mais heureux

Depuis son premier album ovni ‘At War With Walls and Mazes‘ sorti en 2008, Son Lux – alias Ryan Lott – n’a cessé de collaborer pour le spectacle vivant, et plus récemment pour le cinéma. Il nous revient avec ‘Lanterns’, un troisième opus magistral où se télescopent des orchestrations classiques et électroniques, aussi sensibles que sensorielles, avec en prime une liste impressionnante d’invités qui ont contribué à élever sa musique. Le temps pour nous d’interroger l’intéressé sur sa démarche de travail, sa manière d’aborder la musique dans sa composition et l’approche scénique de ce nouveau projet.

Comment as tu composé ce nouvel album? Seul ou avec les musiciens qui participent au projet?

Ryan Lott: Je travaille seul tout le temps, mais je fais appel à d’autres musiciens de temps à autres pendant le processus de composition. Généralement, j’écris des parties assez simples pour les autres, et ne leur donne que peu d’instructions. Tout cela dans le but d’encourager un certain niveau d’improvisation. J’aime être surpris par leurs propositions. Souvent, c’est assez sain d’introduire quelques éléments imprévus. Ça ouvre des opportunités uniques.

Ton envie était-elle de rompre avec le travail en solitaire pour qu’il y ait autant d’invités sur ‘Lanterns’? Ou bien est-ce l’évolution naturelle de ton travail qui a fait que cela devenait une évidence de rompre avec la solitude du compositeur face à ses machines?

C’est une évolution naturelle. Honnêtement, c’est tout simplement la conséquence de ma volonté de partager avec les autres ma façon de faire de la musique. Je chérie particulièrement la solitude, donc je n’ai absolument pas envie de m’en éloigner. Mais j’ai également conscience que je ne peux pas faire le mieux possible si je reste seul.

Comment as tu donc décidé à qui tu ferais appel pour cet album?

 J’ai tout simplement impliqué des amis, et cherché des opportunités de me faire de nouveaux amis en collaborant avec d’autres.

Du coup, l’intrusion d’instruments ‘classiques’ devenait-elle nécessaire pour pallier aux limites de la programmation ou bien est-ce un réel choix de ta part afin de donner un autre relief à l’album?

Etant donné que je ne privilégie jamais machines ou instruments, je peux décider ce qui se marie bien ou non sans autre considération. Mais je suis intrigué par le contraste. J’essaie toujours de trouver des mariages inattendus de deux instruments qui, par nature, ne vont pas toujours ensemble. Le vieux et le neuf, le laid et le beau…

Dans ton processus de création, te laisses-tu une place à l’improvisation comme pour tes invités? Tout comme le faisait le peintre Francis Bacon, y a t-il une place à l’incidence, à l’heureux imprévu, à la surprise du moment ? Ou bien es-tu dans la maîtrise totale dans l’avancée d’un travail en cours?

On peut dire que j’ai tout le contrôle. En fait, je maîtrise assez mes outils pour que mon rythme de travail s’apparente à de l’improvisation fluide. Ça, c’est quand tout va bien. Quant à la surprise, elle prend une place importante dans le processus. Les moments les plus exaltants sont d’ailleurs quand tu as le sentiment d’avoir été surpris. Ce sont des moments de chance, quand les choses collent tout de suite et que tu ne peux pas vraiment expliquer pourquoi. Chaque morceau a besoin de ce moment, au moins une fois. Je considère qu’il n’est pas terminé tant que cela n’est pas arrivé.

Comment vas-tu défendre cet album sur scène? Avec des musiciens ou bien de manière minimale comme tu le faisais auparavant?

 Je serai plus fidèle aux versions de l’album que je ne l’étais dans le passé. Pour la première fois, je ferai une vraie tournée pour ce disque, ce qui m’offre l’opportunité de ‘construire’ un show, d’aller chaque fois plus en profondeur. J’ai monté un groupe de multi-instrumentistes, et nous travaillerons ensemble en décembre pour que cet album puisse être joué sur scène. Quelques trucs seront vraiment différents mais je m’efforcerai que ça n’aille pas plus loin qu’une version modifiée. Par exemple, une mélodie de violon de l’album peut être jouée sur scène par une pedal steel, vu que je n’aurai pas de violon.

 Quels souvenirs gardes-tu de tes passages en France?

J’ai passé de bons moments lorsque j’ai tournée en première partie de Why? en 2008. On a fait huit ou neuf dates. J’adore jouer chez vous!

Le sensible et le sensoriel sont des éléments très présents dans ton travail. C’est une marque de fabrique que l’on connaît depuis ton premier album ‘At War With Walls and Mazes’. Est-ce une quête dans ta démarche artistique d’aller dans ce sens ou bien est-ce le naturel de ta personnalité qui apporte ce relief?

Ma personnalité et ma musique sont très différentes. Je suis quelqu’un d’assez ouvert, un mec heureux. Ma musique est plutôt triste et introspective…

Tu as quitté Anticon pour la sortie de ce nouvel album. Etait-ce une décision commune? Comment es tu entré en contact avec le label Joyful Noise et pourquoi as tu décidé de travailler avec lui désormais?

J’ai eu une très bonne expérience en travaillant avec Anticon. Ce sont toujours des amis. J’ai décidé de travailler avec un autre label pour la simple et bonne raison que j’ai le sentiment que ‘Lanterns’ mérite un nouveau départ, une énergie fraîche. Joyful Noise m’a été conseillé par mon pote Kishi Bashi qui a sorti un disque intitulé ‘151a’ chez eux, et ça s’est très bien passé. Sa musique n’est pas si éloignée de la mienne, donc j’ai pensé qu’on irait bien ensemble.

Tu viens juste de travailler sur la musique de deux films, ‘Looper’ et ‘The Disappearance Of Eleanor Rigby’. Comment as tu décroché ces deux projets? Etais-tu totalement libre dans ton travail ou devais-tu être au service de l’image?

 En fait, j’ai déjà vécu plusieurs fois ce genre d’expérience. Pour ‘Brothers Bloom’, ‘Looper’, ‘Don Jon’, et un film français intitulé ‘Et Soudain Tout Le Monde Me Manque’. A chaque fois, j’assistais mon très bon ami Nathan Johnson qui était le compositeur de chacune des musiques. Mon premier film, ou j’ai oeuvré en tant que compositeur, c’est ‘The Disappearance Of Eleanor Rigby’. Bien sûr, le but d’une musique de film est toujours de servir l’image, mais il y a plusieurs manières de faire. Pour celui là, j’ai eu la chance de pouvoir tout contrôler. Et le réalisateur Ned Benson a toujours eu de bonnes idées et de bons retours quand le moment est venu de rassembler les deux. Travailler sur les films est quelque chose que j’adore faire…

Dans sa démarche et son approche, ta musique semble proche d’orchestres philharmoniques. L’idée de voir jouer ta musique par un orchestre te plairait-elle? Quel serait ton rêve et tes envies par rapport à cette idée?

Oui bien sûr que ça me plairait! L’orchestre peut être un énorme et magique instrument. Récemment, j’ai déjà eu l’opportunité de jouer cinq de mes titres avec un orchestre complet d’Indianapolis. Ce fut un plaisir total!

Qu’écoutes-tu en ce moment? Quels sont tes derniers coups de coeur?

Je ne suis pas vraiment au fait de ce qui s’est fait récemment en musique. Ces derniers temps, j’ai été assez accroc de soul africaine des années 60 et 70. Il y a un catalogue appelé Analog Africa qui a sorti des compilations incroyables. Et la dernière sortie qui m’a vraiment interpellé, c’est ‘Island Universe Story Two’ de Helado Negro.

Et dans les autres arts, qu’est ce qui t’a fait vibrer dernièrement?

J’adore la danse. Notamment la danseuse et chorégraphe allemande Pina Bausch.


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