Interview : Somerset (01-2000)

Interview : Somerset (01-2000)

M: Nous sommes quatre: Ronan est à la basse et au chant, Guillaume est à la guitare et fait quelques choeurs, Nicolas est à la batterie et moi, je suis à la guitare. Ronan et moi avons commencé le groupe il y a trois ans, plusieurs musiciens sont passés et on a une formation stable depuis un an et demi.

Somerset semble être un groupe assez à part On entend peu parler de vous, êtes vous définitivement indépendant ou une major serait la bienvenue?

R: Je pense que, plus qu’une histoire de major au d’indé, on peut penser que certains indés comme Epitaph fonctionnent comme des majors tout en étant plus cools car privilégiant les rapports humains. Certaines majors peuvent également avoir ce type de fonctionnement. II ne faut pas dire major égale Satan, si le directeur artistique croit en ton son et qu’il pense que ton groupe mérite des moyens, on dit bravo et on peut le faire avec lui.

M: Le problème est que si le directeur vire, tu vires avec. C’est le problème des groupes américains. Sur un indé, tu n’as pas ce problème-là car le mec reste. Nous, c’est clair que si il y a moyen on le fera. On ne veut pas ça à tout prix mais si on ne joue pas beaucoup, c’est parce qu’on ne trouve pas beaucoup d’endroits pour. Pour l’instant, on fait pas mal de concerts dans la scène hardcore française. Pourquoi pas, c’est bien, mais ce n’est pas exactement ce que l’on fait. Les gens sont polis avec nous mais ne comprennent pas cette affiliation.

R: Le public écoute poliment car il n’est pas encore habitué à ce genre de truc. L’immense majorité des concerts que l’on a fait étaient avec des groupes de hardcore, jamais on a joué avec un groupe qui nous correspondait vraiment. On a des influences hardcore mais aussi pop, new-wave, même seventies…

M: Le truc, c’est qu’en France la seule scène qui se bouge est la scène hardcore. Tant mieux aussi qu’elle nous fasse jouer. Les gens sont cools et en général ils aiment bien ce que l’on fait…

Au niveau des groupes étrangers, c’est la même chose: que des premières parties de groupes hardcore?

M: Les seuls groupes avec qui on a joué pour l’instant, c’est Nada Surf, Bluetip. C’est vrai que ce sont des groupes qui se rapprochent un peu plus de notre style. Sinon, on a toujours joué avec les Buming ou Seven Hate. On s’entend bien avec ces gens-là mais le public ne s’attend pas tout à fait à…

R: Pour eux, on fait du dodocore… Quand ils viennent aux concerts, c’est pour voir un truc qui speede alors…

M: On les endort un peu. II faut qu’on ait un support pour se faire connaître et que les gens sachent ce que l’on joue. Pour ce qui est des maisons de disques, je n’ai aucun problème de morale à être sur une major. Quand tu y es, tu sais pourquoi. Tous les groupes du monde ont envie de vendre leurs disques donc… En France, il n’y a pas d’indépendants qui ont les moyens et le rayon d’action des indés américains. Là-bas, la question peut se poser car les indés sont puissants et vendent autant de disques d’un groupe que si celui-ci était sur une major. Là, on essaye de monter notre propre structure pour sortir notre quatre titres et se débrouiller seuls. Après, si des gens veulent nous aider… C’est comme ça qu’il faut agir: ne pas attendre les majors pour ne pas être trop dépendants. Dans la scène hardcore, on ne peut pas jouer tout le temps et on risque de se lasser.

Le fait de compter un ancien membre de No One dans ses rangs met-il la pression sur le groupe?

M: Non, ça attire seulement l’attention des médias. Un peu moins qu’avant maintenant, ce s’est un peu passé. Ca aide, je n’ai jamais noté de côtés négatifs à cela.

Le groupe serait-il le même sans cette expérience?

M: Pas le même, car si je n’avais pas joué avec eux, je ne jouerais pas pareil, je n’aurais pas la même expérience. J’aurais peut être jamais fait ce groupe si je n’avais pas participé à No One.

Quel est votre intérêt personnel à faire de la musique?

R: Les choses habituelles comme le plaisir et la beauté, le désir de donner le meilleur de soi. C’est une façon aussi de partager le plaisir, de se prendre des claques en voyant d’autres groupes et de partager des influences du moment. Moi, c’est le plaisir d’écouter de la musique et de ressentir des choses qui me donnent envie de le faire aussi. Ca ne se ressent pas vraiment dans nos influences, on ne peut pas dire que Somerset est le Jets To Brazil français mais plus le temps passe plus on se forge notre personnalité musicale et plus on dépasse ce qui nous a donné en premier lieu envie de faire de la musique

M: L’envie de créer, avoir le sentiment d’avancer en créant. Peut être que c’est illusoire, mais j’ai l’impression de faire quelque close de ma vie en écrivant des chansons. Ca fait toujours plaisir quand quelqu’un te dit qu’il aime bien ce que tu fais mais ce n’est pas le but car je le fais avant tout pour moi. Chercher à progresser, c’est ma façon de vivre.

C’est un peu contradictoire avec ta vision des majors…

M: Les majors, c’est pour te débarrasser de certaines contraintes comme le fait d’avoir un taf à mi-temps à côté et donc d’avoir trop peu d’argent pour vivre de ta musique. Ca permet de se tourner plus facilement vers l’étranger, de rencontrer plus de gens, d’avoir plus de temps en studio. On ne voit pas le côté live du studio, ce n’est pas comme ça que l’on veut enregistrer. On passe du temps en studio à chercher des petits trucs, à refaire des plans pendant des heures. Ca, ça appelle plus de moyens. Au niveau des concerts, c’est quand même agréable quand les gens sont au courant que tu vas venir, quand tes disques sont partout.

R: Le but du jeu est d’avoir une vie simple, à faire de la musique, d’en vivre

M: Dans No One, il n’y a jamais eu de mauvais côtés à être sur une major. Je ne dis pas que le groupe ne cherchait pas à vendre, mais c’est un truc qu’ ils avaient en eux. Ils faisaient ce qu’ils voulaient, ils avaient les moyens pour. Ils se sont éclatés, ils ont fait des concerts à l’autre bout du monde, ils avaient un producteur expérimenté qui leur apportait des trucs. On ne peut pas voir tous les jours un super groupe comme ça aux USA. Nous, c’est deux fois par an alors il faut quelque chose d’autre pour progresser et avoir des repères. A New York, il y a des concerts tous les soirs, tout le monde s’influence et le niveau monte. Nous, on n’a pas ça.

J’aurais tendance à vous mettre dans la classe émo, est-ce que cela vous fait peur que ce soit la tendance qui monte, qu’elle soit récupérée comme celle du hardcore mélodique, pour finir par gaver?

R: Je pense que pour le punk mélodique, il y avait une scène avant que ça marche à fond. Tout d’un coup, ça a marché, il y a eu des groupes de merde mais on s’en fout car il y a eu du plaisir derrière. II y a des gens qui ont voulu se faire de la thune, c’est la société qui veut ça. En tous les cas, cet engouement a permis à des structures de se développer, à des groupes de se former. En fin de compte, ceux qui ont vécu ça comme un phénomène de mode se sont cassés et il ne reste que les meilleurs dans une scène très bien structurée.

M: Quand Nirvana est sorti, il y en a eu dix mille et avec le recul, on ne se souvient que de Nirvana. Je pense que c’est pas un problème. II y a toujours un groupe qui a plus de succès que les autres sans pour autant être celui qui le méritait. Aujourd’hui Blink 182 profite de la tendance, ce ne sont pas les meilleurs mais grâce à eux, peut-être que dans quelques années il y aura des groupes qui cartonneront.

L’émo mis en avant, ça ne vous effraie pas?

R: Déjà l’émo, c’est de la pop, un mélange de new-wave, de rock, de punk. Avec toutes ses petites recettes, comme les utilisent Get Up Kids ou Jimmy Eat World, c’est déjà limite tari maintenant. Les groupes qui m’intéressent sont ceux qui sortent de cette scène, qui l’ont dépassé pour aller vers un côté plus new-wave ou plus pop genre Promise Ring, Sensefield ou Jets To Brazil. Ce sont des groupes qui ne ressemblent déjà plus à des groupes émo de la première vague du style Texas ls The Reason. Finalement tout ça, c’est du rock d’aujourd’hui, du rock un peu frais. Ce n’est pas juste un dérivé du punk. L’émo n’est pas un style à part entière, il n’y a pas d’idéologie qui s’y colle, ni de style vestimentaire. II ne faut pas avoir peur des mots, c’est de la pop. Si c’est classé dans la même catégorie que Police ou Tear For Fears, tant mieux… On serait quand même hyper content d’avoir une bonne scène avec deux-trois groupes signés sur une major, plein d’autres petits groupes qui se prennent en main, des concerts émo sur MCM. Tout ça, on s’en plaindrait pas. Bien sûr, il y aurait les pauvres branleurs, les pauvres connards enfermés dans leur facocherie qui diraient que c’était mieux dans les bars avec trois mecs bourrés, que c’était plus roots. Ces mecs-là tirent la scène vers le bas, font du mal à tout ce qu’on aime. Qu’ils aillent se faire foutre, je suis archi contre ça. Le bonheur serait que tout cela se développe. T’allumes la télé, il y a un truc qui te plait, moi je trouve ce cool. C’est ma façon de voir. Ne pas être obligé de commander des disques sur intemet, de les trouver plus facilement. II n’y a pas de mal à cela. Évidemment, tu ne pourras jamais empêcher la musique que tu aimes d’âtre aimé par des cons. Ca n’appartient à personne, nul n’a le droit de se l’approprier. Chacun se veut être le centre du monde par rapport à un groupe… Tu fais de la musique, c’est immatériel, tu n’appartiens à personne.

Spliff Rds a réagi suite à votre première démo. Toujours rien: jenfoutisme ou prudence?

M: Ca a été hyper compliqué. On devait enregistrer un album pour Spliff, il y a eu des changements de personnel dans la formation juste avant l’album. On a dû retrouver un guitariste et un batteur, ce nous a pris six mois. L’album est enregistré mais étant donné qu’on avait pas de moyen Spliff nous aidait pour la distribution et le pressage, on a trouvé un plan de studio gratos en allant enregistrer quand il était libre, c’est à dire le week-end ou la nuit. On a donc mis six mois à tout mettre en boite. A partir de là, on a dû changer de studio, ressortir les bandes qui n’allaient pas dans le nouveau studio pour le mix. C’est une histoire de fou, ça nous rend dingue. L’album est enregistré, on n’arrive pas à le mixer. Les morceaux ont maintenant un an et demi, ça date et on ne veut plus les sortir. On va donc faire un quatre titres que Spliff n’est pas intéressé de sortir car c’est difficile à vendre. Tad a été cool, on ne se connaissait pas mais c’est remis à plus tard…Sur cette première démo, la reprise de Minor Threat a été très applaudie. N’est-ce pas dur à assumer d’être remarqué par un morceau qui n’est à la base pas le vôtre?

M: Pas du tout car si on ne l’avait pas dit, personne ne l’aurait remarqué. Seule l’intro est proche de l’original et on ne la joue même plus. En fait, on a juste repris les paroles et on s’est approprié la musique. Ce a été un coup de chance, Ca Va Clencher nous a proposé cela pour le Tribute To Minor Threat mis sans cette proposition, on n’aurait jamais fait ce morceau.

Vos projets à part le disque?

M: On prend les dates au jour le jour mais sans support, ce n’est pas facile. Le disque est pratiquement fini.

Le mot de la fin…

M: Notre but est de faire des concerts. Tu as beau avoir toute l’expérience que tu veux, quand tu montes un nouveau groupe et que tu n’as pas fait cent concerts, tu ne maîtrises pas ton sujet. On veut jouer le plus possible.


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