Interview – DIIV, ambitious kid

Interview – DIIV, ambitious kid

Il aurait pu jouer la facilité, refaire deux fois le même album, tout en renouvelant sa carte Cool Kid de l’indie pour une année supplémentaire. Au lieu de ça, Zachary Cole Smith a choisi d’abattre celle de l’ambition avec ‘Is The Is Are’. Long et dense, ce deuxième disque de DIIV se montre aussi vulnérable pour son auteur qui a décidé de conjuguer ses 17 morceaux au temps de la mise en avant et du dévoilement personnel. Il s’est posé avec nous une petite demi-heure afin de nous donner ses vues sur le live, ce nouveau chapitre, et le meilleur spot pour surfer à Brooklyn.

Quand as tu commencé la composition de ce nouveau album ?

Zachary Cole Smith : Après la sortie du premier, j’ai pris un petit moment pour y réfléchir, et je pense qu’il m’a fallu un certain moment pour réaliser que je devais en faire un autre après celui là. Je crois m’y être mis en septembre 2012, il y a trois ans à peu près, et il a probablement été fini en février 2015, ce qui fait a peu près deux ans et demi de composition.

Ce fut donc un long processus…

Oui, parce que c’est quelque chose que j’ai pris très au sérieux, et pour lequel je me suis mis beaucoup de pression.

Tu parles de pression… Penses-tu que, de nos jours, ça peut être risqué pour un groupe d’attendre autant entre la sortie de deux de ses albums ?

Peut-être oui, mais je pense qu’il est encore plus risqué de se précipiter. Je crois que certains groupes qui font le buzz veulent garder cette attractivité et se dépêchent de composer pour la conserver. Moi, j’étais vraiment concentré sur mon objectif : faire le meilleur album possible plutôt que de me soucier du temps qui passe. Même quand tout a été terminé, ça nous a encore pris neuf mois pour finir le mixage et la production. Nous aurions pu nous presser, mais je ne voulais pas. Nous avions déjà suffisamment attendu, il n’y avait plus aucun intérêt à se dépêcher à ce moment-là.

Comment est-ce que tu composes ?

Les paroles viennent en dernier, je les sépare toujours du reste. J’écris la musique d’une manière étrange : je me pose avec ma guitare et je m’enregistre. C’est un procédé fait d’erreurs et d’essais, ou je n’ai aucune idée préconçue sur ce que je veux composer. Ce sont juste des morceaux de guitare, avec une ligne de basse par dessus, ou une mélodie. Je pose quelques voix par dessus, et ça me fait une démo que j’incorpore dans une playlist. A la fin, j’ai plus de 250 brouillons, tout le groupe s’en empare et compose dessus. Enfin, j’écris les paroles, en me basant sur mes idées personnelles, la syntaxe des mots. Il s’agit donc d’un ensemble de petits procédés mis bout à bout, je ne me pose pas pour écrire une chanson.

Cela veut dire que le procédé de composition était plus ouvert cette fois ?

Il était légèrement plus ouvert oui, même si j’ai besoin de tout contrôler. Il y avait tout cet amas de matière, et nous devions nous demander quelle était la meilleure façon d’en tirer profit. Quelles en étaient les meilleures parties ? Qu’est ce qui devait être utilisé ? Qu’est ce qui ne devait pas l’être ? Et quelles idées pouvaient se combiner pour former un morceau ?

A l’avenir, est-ce que tu te verrais laisser toujours plus d’espace à d’autres musiciens ?

Je ne sais pas, ça dépend des morceaux, mais il y a des gens dans le groupe qui jouent parfois de petites bribes de guitare pendant les soundchecks par exemple, et je me dis ‘putain, je dois en faire un morceau‘. Billy notamment a un morceau qu’il joue tout le temps, et dont je devrais faire quelque chose. Ça dépend du morceau en lui-même, ce n’est pas quelque chose qui tourne autour de mon égo. N’importe qui pouvait proposer quelque chose pendant l’enregistrement, c’était un environnement très productif. On jouait près de huit heures par jour, tous les jours, avec une très bonne installation. Je me rappelle des derniers jours en studio, quand tous les morceaux étaient finis, à l’exception de trois ou quatre : c’était vraiment un sentiment gratifiant. On enregistrait tout ce qu’on jouait, et je pense que, à la fin de la journée, quand on réécoutait tout ça, ça nous donnait de la confiance, et ça nous permettait d’avancer sur l’album.

Tu disais dans une interview que tu voulais que les gens comprennent mieux les paroles de ce nouvel album, qu’ils puissent ainsi plus facilement connecter avec elles. Quelle importance donnais-tu à tes textes à la sortie du premier, donc ?

Sur le premier album, les paroles étaient un peu comme une texture, un autre instrument. Tout était au même niveau : la batterie, la basse, la guitare, les paroles. Si quelque chose se démarquait trop, ça se faisait au détriment de la chanson. Pour le nouveau, elles étaient très importantes, et j’ai eu une approche totalement différente. Je visais aussi un autre type d’écoute, à la manière de ma copine Sky (Ferreira) qui se concentre sur les paroles avant la musique. Quelque part, je voulais l’atteindre elle, ainsi que les auditeurs. J’avais de nombreux problèmes à gérer à cette époque (Zachary Cole Smith et Sky Ferreira se sont fait arrêté pour possession de drogue, et il a du faire une cure de désintoxication), et toutes ces choses ont fait que j’avais besoin que l’on comprenne ce que je disais sur le disque. Autrement, il n’aurait pas fonctionné de la même manière.

As-tu eu la sensation de plus t’exposer avec ces paroles qui se retrouvaient mises plus en avant ?

Oui, définitivement, et je voulais que le disque reflète cela vu que j’étais déjà exposé. Je l’étais aux yeux du public, tous mes secrets et ma relation personnelle aussi. Je voulais faire quelque chose qui me permette de montrer mon humanité, je voulais que les gens puissent ressentir de l’empathie au lieu de me juger sur ce qu’ils avaient vu de moi. Je ne suis pas parfait, et j’assume mes erreurs du passé.

C’était une façon détournée de donner ta propre version des faits…

Oui, clairement, je voulais expliquer d’ou je venais, ce que j’avais traversé, ce qui n’avait rien de glamour, au contraire, c’était douloureux. Il faut du courage pour parler de ça. C’était vraiment une situation difficile, et je voulais transformer cette exposition en quelque chose de positif.

Contrairement au premier, ton nouvel album est très long, c’est un double composé de 17 morceaux. Est-ce que ça a été un challenge pour toi de composer autant de chansons ? Et, avec cette productivité, est-ce que tu as du repenser le tracklisting, la manière dont les morceaux s’articulent les uns avec les autres ?

J’ai toujours voulu faire un double album, et je pense que ça marche de nombreuses manières. Un double album, c’est très facile à critiquer. Ca a été fait tellement de fois de manière presque abusive, c’est une cible facile pour les critiques. Quelque part, je recherchais ça. Je voulais faire un double aussi concis que possible, quelque chose d’ambitieux et d’imparfait à la fois. Il y a quelque chose de très humain là-dedans, c’est quelque chose que je voulais atteindre. Je voulais avoir un sentiment de risque qui paye à la fin, parce que je pense que ça aide les gens à voir d’ou je viens. Selon moi, chaque morceau justifie sa présence sur le disque. Sa diversité fait qu’il couvre un territoire beaucoup plus vaste, avec des chansons très différentes. Et il fallait au moins ça pour décrire mon expérience. Cet album est un peu comme un ascenseur émotionnel, avec des hauts et des bas, à l’image de ma vie.

Est-ce que c’est aussi une manière d’aller contre l’idée typique qu’on se fait de l’album indie, avec ses dix morceaux et ses quarante minutes d’écoute ?

Oui, le premier album ne faisait même pas une demi heure, il était très mystérieux, on ne connaissait pas grand chose dessus, qui l’avait fait ou de quoi il parlait. C’est quelque chose de très facile à faire pour un groupe d’indie, c’est maintenant très répandu. Je voulais aller à l’extrême opposé de ça. Je ne voulais surtout pas qu’on nous prenne pour un groupe indie de plus, parce que je pense que nous ne sommes pas ça. En deux albums, nous avons fait des choses très différentes.

J’ai vu sur ton Tumblr que tu avais raconté récemment ta tournée en Amérique du Sud, et tu disais à quel point c’était génial. Mais dans une autre interview, tu semblais préférer la composition à la vie en tournée. Je me demandais donc quel était ton lien avec l’expérience de la tournée ?

Je pense que les groupes considèrent le live comme une part importante de leur carrière. On est différent en live, on sonne vraiment bien quand on joue. Alors, oui, le live est définitivement important, mais faire un album, c’est se confronter à l’immortalité. En tant qu’artiste, c’est ce que tu laisses derrière toi. Je ne veux pas en choisir un plus que l’autre, ils sont tous les deux totalement nécessaires, et c’est important de tout faire de la meilleure manière possible. Quand je vois un groupe qui a fait un super album mais qui est nul en live, ça me tue. Au contraire, quand tu en vois un dont tu n’aimes pas trop le disque mais qui est très bon en live, ça change ta perception. Je respecte beaucoup les musiciens qui sont bons en concert, parce que ça prouve qu’ils se soucient de leurs fans et de leur musique. La tournée en Amérique du Sud était probablement ce que j’ai ressenti de plus fort en terme de relation avec le public depuis que je suis dans DIIV. Ils étaient tellement passionnés, c’est exactement ce que tu recherches en tant que groupe. Il y a des fans qui sont obsédés par la dimension physique de l’album mais, sans les concerts, ils se sentent amputés d’une certaine façon. Ils ont besoin des deux. C’est quelque chose de symbiotique.

J’ai lu que ta mère travaillait en tant qu’éditrice chez Vogue, et que tu as été un modèle pour Yves Saint Laurent. Est-ce ta mère qui t’a introduit dans ce monde ?

Non, ma mère travaillait chez Vogue quand elle avait une vingtaine d’années, elle a arrêté deux ans avant ma naissance. Je n’ai donc jamais vécu ça, mais la mode qu’elle incarnait n’était pas quelque chose de cool. Pour moi, la mode n’a jamais été vraiment cool. Quand j’étais petit, déjà à l’école, j’étais très sélectif avec mes vêtements, je customisais mes affaires, je raccourcissais mes shorts, je réduisais ou j’élargissais mon pantalon. J’étais déjà dans la personnalisation de mes vêtements. Ma mère ne m’a jamais baigné dans la mode, même si nous parlions souvent de sujets liés à ça.

Dernière question, question bonus : quelle est la pire question que quelqu’un t’ait déjà posé dans une interview ?

Oh mon Dieu… Hier, quelqu’un en Allemagne voulait savoir ou nous surfions à Brooklyn. Et une autre fois, on m’a demandé quel nom je choisirais si je devais renommer mon groupe… En tout cas, merci de ne pas m’avoir posé cette question.


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