Emily Jane White & House of Wolves, danse avec les loups

Emily Jane White & House of Wolves, danse avec les loups

C’est presque dans l’ombre, et avec peu de promo, qu’Emily Jane White et House of Wolves s’associent le temps d’un EP combinant le talent de chacun à susciter des émotions. Ce Split EP est bien entendu un prétexte pour démarrer une tournée, au début de laquelle nous avons pu les attraper au vol, de justesse. Programmés à l’auditorium flambant neuf et intimiste du centre culturel de Lesquin, les deux américains ont donné – chacun leur tour puis en duo – un concert à la fois classieux et mélancolique, dans des conditions techniques idéales et devant un public conquis. Entretien croisé avec deux songwriters aussi humbles que complices.

Vous êtes en tournée dans le cadre de votre Split EP. D’où est partie l’idée de faire un disque en commun ?

Rey Villalobos (House of Wolves) : J’ai appelé Emily, et je lui ai dit ‘Hey, et si on faisait un Split EP ?‘ (rires) En fait, nous étions déjà amis depuis un certain temps. Nous avons chacun fait une reprise d’une chanson de l’autre, et c’est parti de là.
Emily Jane White : La première fois que l’on s’est officiellement rencontré, c’était pour un concert commun à Los Angeles. Avant ça, Rey avait entendu ma musique en France. Il avait playlisté une de mes chansons pour un webzine et m’avait tagué, on s’est donc parlé sur Facebook. Puis mon label Talitres avait déjà mis une de ses chansons sur une compilation, je savais donc qui il était ! Je me suis dit ‘Oh cool, ce gars aime ma musique !‘.
Rey : De fil en aiguille, j’ai fait une cover, puis nous nous sommes lancés chacun de notre côté dans la composition de l’EP, qui fut très rapide et spontanée.

Emily, dans ton dernier album, tu abordais des sujets plutôt durs comme le racisme ou la violence envers les femmes. Y-a-t-il un thème autour de cet EP ? Est-il plus joyeux en termes de textes ?

Emily : Mes chansons ont chacune une histoire, mais il n’y a pas de thème général sur l’EP. Nous en avons chacun écrit deux nouvelles pour l’occasion, puis réalisé une cover, c’est donc un concept plutôt qu’un thème. Il n’y a pas nécessairement de tendance commune dans les paroles, je pense simplement que nos chansons sonnent bien ensemble. Nous n’avions pas une année devant nous pour planifier quoi que ce soit, nous n’avions pas le temps de réfléchir à ce genre de chose. Les gens nous demandent souvent pourquoi nous n’avons pas co-composé ni co-écrit l’EP ensemble…
Rey : Ça aurait pu prendre un temps fou étant donné qu’elle habite à San Francisco et que je suis à Los Angeles. C’est beaucoup de travail. Il faut réussir à mixer nos styles, potentiellement à distance, ce qui n’est pas du tout le même exercice.
Emily : Nous aurions dû passer beaucoup de temps ensemble physiquement au même endroit. Puis le process de reprendre chacun une chanson de l’autre était vraiment cool : tu choisis celle que tu aimes et tu en donnes ta propre version. Je ne fais pas beaucoup de covers, Rey a plus l’habitude que moi. De mon côté, c’était donc un travail nouveau et intéressant ! Ça m’a aussi fait du bien de travailler sur un projet qui n’a pas monopolisé 100% de mon âme, comme sur mes disques ! (rires) Je fais des albums depuis plus de dix ans, donc ça m’a fait plaisir d’écrire sans pression, en partageant trois chansons spontanées avec quelqu’un d’autre.

Emily, tu es signée sur le label français Talitres. Rey, tu as sorti des disques chez Microcultures et Discolexique, qui sont aussi des labels français. Avez-vous un faible pour la France ?

Rey : C’est eux qui nous aiment et qui nous ont choisi ! (rires)
Emily : Talitres m’a approché il y a environ dix ans, et j’y ai développé ma discographie. De manière générale, je pense réellement qu’il y a un vrai public en France pour le type de musique que l’on fait. Nos disques sont toujours bien accueillis. Notre musique est introspective, il y a beaucoup de mélancolie, et les gens d’ici ont l’air réceptif à ce genre d’émotions, contrairement aux Etats-Unis, pays très vaste où il est difficile de se faire connaître.
Rey : Je pense que c’était déjà le cas dans les années 20 avec le jazz, ou même plus tard avec la soul et la pop qui, ici ou en Espagne par exemple, ont parfois une audience énorme. On remarque aussi que d’autres songwriters américains qui développent le même type de vibe ou d’humeur dans leurs disques sont en général très bien reçus en France.

Hormis le fait d’être tous les deux sur un label français, quel est votre plus gros point commun à votre avis ?

Nous étions tous les deux noirs auparavant (rires). Sérieusement, je pense que nous avons un ton et une vibe similaire dans notre musique. Quand j’écoute une chanson d’Emilie, je me reconnais dans la progression des morceaux. Je me dis que j’aurais choisi les mêmes accords, et que j’aurais fait évoluer la chanson de la même manière. C’est un point commun très musical, j’arrive parfois à anticiper ses mélodies !
Emily : Je ressens la même chose ! Quand j’ai enregistré sa chanson en studio, j’ai vraiment senti que j’aurais pu réagir de la même façon. C’est vraiment cool d’incarner la musique de quelqu’un d’autre, surtout quand il ne s’agit pas d’une reprise de Bob Dylan ou d’un autre classique par exemple.

Rey, maintenant que tu travailles avec Emily, peux-tu me dire quelle est sa plus grande qualité ?

Rey : Son professionnalisme.

Et toi Emily ?

Emily : Rey est très concentré sur ce qu’il fait. Il a aussi un grand cœur et un grand sens de l’humour ! Tu as remarqué qu’il aimait faire quelques blagues, mais ce n’est rien du tout, tu n’imagines même pas, je pense qu’ils sont deux… (rires)
Rey : Elle est en tournée avec ses deux grands frères. Nous formons un triangle ! (rires)
Emily : Bref, c’est génial de travailler avec lui, surtout en tournée.

En fouillant sur internet, j’ai eu beaucoup de mal à trouver l’EP à la vente…

Rey : On ne sort qu’un cd en édition limitée, et on le vend uniquement lors des concerts. En fait, c’est la première fois qu’on le vend ce soir, mais on a eu un petit problème : les digipacks ne sont pas arrivés à temps…
Emily : On a donc le cd dans une pochette vierge temporaire. Disons que c’est une édition encore plus limitée ! L’idée était d’avoir un EP physique uniquement disponible sur la tournée. Nous sortirons la version digitale seulement dans un second temps.

Pourquoi rendre cet EP si rare ?

Rey : Surtout parce que nous venons seulement de le terminer. Nous le mettrons sur notre page Bandcamp en téléchargement plus tard.
Emily : Il sera aussi possible de se procurer le CD uniquement auprès du label Discolexique. C’était une réelle volonté de notre part de faire quelque chose de spécial, sans le rendre très disponible, pour encourager les gens à venir nous voir en concert.

Rey, tu as composé des chansons en Allemagne ou en Suisse. Est-ce important pour toi de te mettre au vert, d’écrire dans d’autres endroits ?

Rey : Oui, complètement. Quand j’étais sur la côte irlandaise, j’ai réellement ressenti l’influence du pays, cette ambiance un peu brumeuse. Je suis convaincu que le lieu où tu composes a des impacts sur tes émotions, et donc sur tes chansons.
Emily : Je n’ai jamais composé en Europe, mais c’est quelque chose que j’aimerais essayer. La plupart de mes chansons ont été écrites en Californie, ou lors de mes tournées. J’adorerais composer des chansons au milieu de nulle part. Mais je ne pense pas que mon petit ami serait d’accord ! (rires)

Imaginez qu’un mystérieux virus tue soudainement toutes les guitares dans le monde. Quel serait votre nouvel instrument ?

Rey : J’adore ce ‘what if ?‘, on y joue tout le temps dans la voiture ! Je prendrais le piano.
Emily : Oui moi aussi, le piano.

C’est un peu facile, puisque vous en jouez déjà tous les deux ! Et si le virus contaminait aussi les pianos… ?

Rey : D’accord, c’est mieux, on peut vraiment jouer maintenant. Pas de guitare, pas de piano… Je prendrais le violoncelle.
Emily : C’est exactement ce que je choisirais !
Rey : Tu vois, on est trop connecté ! (rires)

Ce projet est-il éphémère ou y’aura-t-il d’autres collaborations ?

Si nous n’avons pas rendu notre chauffeur fou à la fin de la tournée, il y aura peut-être un après… (rires). Nous jouons nos morceaux chacun notre tour, puis en duo en deuxième partie de concert. Nous allons faire cette tournée et nous verrons.


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